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réjouirait sincèrement si des peuples comme l’Irlande et les Indes, qui ne jouissent pas des bienfaits de l’indépendance politique, recevaient maintenant la liberté. » Pour être de l’ironie, on ne peut pas dire que ce n’en est pas; ou qu’elle est si légère qu’on la sent à peine passer. Si la Chancellerie n’en trouve pas de meilleure, c’est que M. Zimmermann n’en a pas de plus fine: et si toute l’Allemagne n’en est pas secouée d’un rire colossal, c’est que tout de même elle n’a plus le cœur à rire et n’est plus assez nourrie pour perdre de ses forces à cet exercice. Et l’on serait tenté de se récrier, de s’indigner contre une pareille audace, de la part de gens qui détiennent, oppriment et tyrannisent, les uns depuis un demi-siècle, les autres depuis un siècle entier, Danois du Sleswig, Alsaciens-Lorrains, Polonais, pour abréger le catalogue de leurs victimes ; mais on réfléchit qu’il y a là-dedans autant d’aveuglement, de cécité morale, que de cynisme. L’esprit et la conscience ont leur myopie, qui ne se corrige pas avec des lunettes. Des choses comme celles-là, aucun Allemand ne devrait oser ni pouvoir les écrire; mais M. Zimmermann poursuit, imperturbable : « Le peuple allemand est opposé aux alliances qui poussent les peuples dans une lutte pour la puissance et qui les enlacent dans un réseau d’intrigues égoïstes. En revanche, la joyeuse collaboration du gouvernement allemand est assurée à tous les efforts qui tendraient à empêcher les guerres futures (notons, en passant, que l’épithète a changé d’objet : ce n’est plus la guerre qui est « fraîche et joyeuse). » La liberté des mers, qui est la condition préalable de la libre existence et des relations pacifiques des peuples, de même que la politique de la porte ouverte au commerce de toutes les nations, ont toujours été au nombre des principes directeurs de la politique allemande. »

Fermes sur ces principes directeurs, l’Allemagne et ses alliés voulaient tout de suite entamer des « pourparlers de paix, » en leur donnant pour but « la protection de la vie, de l’honneur et du libre développement du peuple. » Ni elle, ni eux ne visaient à « l’anéantissement de leurs adversaires. » La Belgique, eh bien! la Belgique, l’Allemagne ne l’annexerait pas, elle ne la restituerait pas, et ne la restaurerait pas absolument, non plus. L’Europe centrale avait, en toute ingénuité, fait connaître son intention de déclarer au monde cette paix perpétuelle, dans l’égalité des nations, si conforme à la fois aux idées de M. Wilson et au génie allemand. La scélérate Entente n’en avait pas voulu. Elle avait fait échouer ce grand dessein, par « appétit de conquête, » brûlant « de démembrer l’Allemagne,