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de la guerre avec les États-Unis. » Cette guerre avec un onzième ennemi, l’Allemagne l’aura si elle la veut; elle ne l’aura que si elle la veut, comme elle n’aura que si elle la veut, la provoque et la déchaîne, la guerre avec les autres États neutres. La voudra-t-elle, et si elle commet, par-dessus toutes ses folies, cette ultime folie, pourquoi ? Notre raison ne peut deviner ses raisons. Est-ce pour ranimer la confiance évanouie, et déclencher, épileptique, le furor teutonicus que le maréchal Hindenburg invoque depuis six mois ? Est-ce pour chercher cet unique moyen de salut qui serait de n’espérer plus aucun salut, de braver le ciel et la terre, de forcer et de violer la Fortune ? Est-ce, plus simplement comme le pensent les intéressés, le Danemark, la Hollande, pour voler un morceau de pain et se donner quelques semaines de vie en faisant main basse sur leurs approvisionnemens ? Plus simplement, encore, est-ce pour faire une fin sans égale, et ensevelir son orgueil dans l’immensité même du désastre, pour dire : « Que pouvions-nous ? Tout l’univers était conjuré contre l’Allemagne. Mais ce n’a pas été trop de tout son poids pour l’écraser. Qui donc jamais ?... Quel autre peuple et quel autre empire, jamais ?... De l’apogée à la catastrophe, Deutschland, Deutschland über alles! »

Il y a là de quoi méditer, tandis que les événemens militaires nous en laissent encore le loisir. L’espèce de trêve, à laquelle l’hiver a condamné toutes les armées, ne sera sans doute plus très longue. On se canonne vers Riga, dans les Carpathes, sur le Carso, sur tout le front occidental. Entre nous et les ennemis du droit, qui sont et qui doivent se sentir les ennemis du genre humain, le glaive tranchera. Mais nous marchons à eux, couverts, comme d’une armure de diamant, de la sympathie, de l’approbation, de l’aspiration universelle. Nous sommes désormais certains de pouvoir souffrir un quart d’heure de plus, puisque ce s’est pas à nous seuls ni pour nous seuls que nous souffrirons, et de tenir les derniers, c’est-à-dire de vaincre.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant. RENE DOUMIC.