della Fonte. Niccoluccia Benincasa avait épousé Palmiero della Fonte, et lorsque la peste de 1315 (la peste de Boccace) eut fait orphelin le petit Tommaso qui avait alors dix ans, Giacomo le recueillit à son foyer. C’était maintenant un jeune homme qui aspirait au cloître : il voulait se faire moine chez les dominicains de Camporeggi. En attendant, il passait les longues soirées d’hiver chez les Benincasa, racontant tout ce qu’il avait lu dans la Légende dorée de Jacques de Voragine sur les apôtres et les martyrs, sur sainte Marie-Madeleine et saint Lazare qui s’enfuirent devant les juifs jusqu’à Marseille en Provence, sur sainte Agnès, sainte Agathe et sainte Lucie dont les cruels Romains crevèrent les yeux et arrachèrent la poitrine virginale avec de brûlantes tenailles ; sur les saints ermites dans les déserts et les cavernes ; sur saint Antoine auquel l’église voisine est dédiée. Mais il parlait surtout de saint Dominique, du pieux et savant Thomas d’Aquin et de saint Pierre martyr qui, au moment de mourir, ne pouvant plus confesser sa foi par la parole, s’inclina pour écrire encore avec son sang dans le sable : Credo.
Tommaso racontait, et Catherine écoutait. Elle connaissait bien les dominicains de Camporeggi ; souvent ils passaient par les rues dans leurs robes blanches et leurs capes noires. Blanc et noir, les couleurs de Sienne, les couleurs de la balzana[1], les couleurs du Campanile. Le blanc signifie la pureté, le noir signifie l’humilité. Catherine se dissimulait derrière la fenêtre pour les voir passer, beaux comme des anges de Dieu, avec leurs profils pâles et purs, les yeux toujours fixés au ciel, ne détournant jamais de côté et d’autre leur regard vers les femmes qui, sur le seuil des maisons, soupiraient : Com’ è bello ! troppo bello per essere frate ! che peccato ! … Non précisément, ils n’étaient pas trop beaux pour Dieu ! Pourquoi le Seigneur n’aurait-il jamais à son service que des bossus et des boiteux ? De son abri, Catherine remarquait la place où les moines posaient leurs pieds et dès qu’ils s’étaient éloignés et que les visages rouges des femmes aux cheveux noirs avaient disparu de l’encadrement des portes, elle s’élançait au dehors pour baiser les pierres sur lesquelles les pieux frères avaient marché.
D’ailleurs, Catherine était vive et gaie et si alerte qu’on la
- ↑ Ancien nom de l’étendard de Sienne.