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l’aveugle dévouement à l’impérialisme teuton. Renonçant à toutes les exigences de son féminisme ancien, elle ne conçoit plus pour les femmes qu’une seule vocation : la maternité[1]. Et afin de préparer à leur tâche celles qui seront les épouses et les mères des futurs soldats allemands, elle n’imagine rien de mieux que l’institution d’un « service obligatoire » des jeunes filles. Une ou plutôt deux années ne seraient rien de trop pour inculquer aux jeunes Allemandes les principes d’économie domestique et sociale, d’hygiène et de puériculture qui leur seront utiles plus tard. Ne pourrait-on pas aussi les astreindre, jusqu’au mariage, à des périodes de réserve annuelles, tout comme les soldats ? Quel bienfait pratique inestimable pour toute la race ! Et quel bénéfice pour la gent féminine ! « Il n’y aurait plus de chicanes entre femmes ambitieuses de titres et d’honneurs, il n’y aurait plus de défections. Les femmes apprendraient enfin à revêtir l’uniforme et à marcher au pas quand il s’agit de se battre[2]. » On a songé, en effet, dans les cercles féministes allemands, à demander au gouvernement d’organiser le « service obligatoire des femmes. » Sur quels principes et sous quelle forme, ici les définitions divergent et parfois s’opposent. Les plans d’Elisabeth Gnauck-Kühne semblent se rapprocher beaucoup de ceux de Lily Braun, alors qu’une autre vieille garde du féminisme, Rosa Kempf, y oppose de sages et prosaïques objections[3]. Aussi bien, le gouvernement semble-t-il disposé, par sa « mobilisation civile, » à ôter aux femmes le souci d’élaborer elles-mêmes leur organisation de combat. Ce qu’il nous importe ici d’avoir démontré, c’est dans quel esprit les femmes d’Allemagne ont accepté la guerre et ses conséquences, dans quel sentiment, par suite, elles se plieront à toutes les nécessités nouvelles qui en pourront naître.

L’impression dominante, à la lecture de ces quelques pamphlets féminins allemands, est celle d’une grande activité, théorique et pratique, et d’une richesse considérable, encore mal exploitée. Les femmes allemandes, en cette affaire, ne sont pas restées aussi passives qu’on veut bien le dire. Elles ne se

  1. L. Braun, p. 51-53.
  2. L. Braun, p. 48.
  3. Elisabeth Gnauck-Kühne : Dienstpflicht und Dienstjahr des weiblichen Geschlechts, 1915 (Le devoir militaire et l’armée de service du sexe féminin.) Rosa Kempf : Das weibliche Diensljahr (L’armée de service des femmes), dans l’Archiv für Sozialwissenschaft u. Sozialpolilik, t. 41, fasc. 2, p. 421-437.