suite et en le considérant comme né fortuitement des concordances mystérieuses qu’il y a, malgré tout, entre toutes choses… Il y a là des épées et des miroirs, des bijoux, des robes, des coupes de cristal et des lampes, avec, parfois, au dehors, le murmure de la mer ou le souffle des forêts. Écoute aussi chanter les fontaines. Elles sont intermittentes ou continues ; les jardins qu’elles animent sont symétriques… Fais le tour des bassins. Parcours le labyrinthe, fréquente le bosquet et lis mon livre, page à page, comme si, du bout de ta haute canne de jaspe, promeneur solitaire, tu retournais, sur le sable sec de l’allée, un scarabée, un caillou ou des feuilles mortes… »
La Canne de jaspe est le recueil des premiers écrits en prose qu’ait donnés M. de Régnier. Il contient Monsieur d’Amercœur, le Trèfle noir et les Contes à soi-même. Il a paru en 1897. Deux ans plus tôt, le Trèfle noir offrait déjà quelques-unes des lignes que je viens de citer. Et, sans doute, on y apercevra l’influence de la pensée littéraire qu’on nomme symboliste et à laquelle l’auteur était alors plus attaché qu’ensuite. Je crois qu’ensuite les théories de littérature ou, plutôt, d’école l’ont importuné : les théories ne favorisent pas à merveille le plaisir de la littérature. Mais, détaché ou non de l’école, M. de Régnier n’a méconnu jamais, et non plus maintenant que naguère, et non plus dans l’Illusion héroïque de Tito Bassi que dans la Double maîtresse et même dans le Trèfle noir, cette vérité que les poètes symbolistes ont bien vue, s’ils ne l’ont pas tous interprétée à merveille : une œuvre d’art est un symbole. Non pas une allégorie : un symbole. Et, s’il y a de magnifiques allégories, en tout cas le procédé de l’allégorie est un ornement, vain le plus souvent : l’allégorie, analogue au rébus, met en un langage difficile ce qu’on aurait vite fait de dire en termes simples. Mais le symbole est, dans les arts, dans la littérature, notamment, l’expression des sentimens et des idées qui ne se laissent définir ou étiqueter d’un mot cru. Stéphane Mallarmé voulait que l’art fût « une allusion à la vie : » le symbole est une allusion aux sentimens et aux idées que la vie suggère. Sans lui, toute une part de la réalité serait sans voix, serait comme si elle n’était pas. Avec des couleurs, des lignes, des sons, des mots, l’artiste copie la réalité : il ne la copiera pas toute, s’il ne dépasse aucunement l’évidence première ou l’apparence et néglige, comme disait l’auteur de la Canne de jaspe, ces « concordances mystérieuses qu’il y a entre toutes choses. » Les ouvrages de M. de Régnier, ses romans à l’égal de ses poèmes, sont tout pleins de ces concordances, autrement dit, sont des symboles, ne les traduisent pas, ne vous invitent pas à les traduire, vous