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Animée d’une ardeur nouvelle, la jeune fille reprit sa vie de pénitence et de prière, recherchant la solitude, mangeant fort peu et dormant le moins possible. Ceci ne convenait guère à ses parens, qui, depuis la mort de Bonaventura, étaient plus désireux encore qu’auparavant de marier Catherine, car en ce temps-là plus les familles étaient nombreuses, plus elles étaient considérées ! Ils venaient précisément de rencontrer un jeune homme d’excellente famille qui serait un mari parfait pour leur fille ; et, pour avoir raison de l’enfant rebelle qui méconnaissait son propre bien, ils s’adressèrent à Tommaso della Fonte, devenu prêtre et en outre le confesseur de Catherine.

Le dominicain se rendit à leur appel ; Catherine, lui ouvrant alors son cœur, révéla à son ami d’enfance qu’elle avait fait vœu de virginité et lui déclara courageusement qu’elle ne consentirait jamais à une alliance terrestre, tout son cœur, appartenant à Dieu, ne pouvait donner asile à un amour humain. Tommaso, convaincu, changea d’avis et au lieu de la persuader de se marier, lui conseilla de couper ses cheveux dorés, puisque dans l’Eglise catholique c’est l’acte par lequel une femme indique qu’elle se consacre au Seigneur. Catherine suivit ce conseil et posa un voile blanc, comme un voile de religieuse, sur sa tête blonde et rasée. Lapa ne tarda pas à s’étonner du soin avec lequel sa fille conservait ce voile sur sa tête ; enfin elle le souleva et vit…

Une heure pénible suivit cette découverte ; la famille Benin-casa était en fureur : tous accablèrent Catherine de reproches et l’assurèrent, avec toute la force du langage et des poumons italiens, qu’elle serait malgré tout contrainte à faire leur volonté : « Tes cheveux repousseront et tu auras un mari, dusses-tu en mourir ! »

Le conseil de famille décréta ensuite qu’à l’avenir Catherine n’aurait plus de chambre à elle où il lui fût possible de se livrer à ses folies pieuses et, sur ce, la fille de service fut congédiée afin que Catherine se chargeât de sa besogne. Elle devint alors servante, et une servante qui à dessein fut traitée avec malveillance, dans l’espoir qu’elle préférerait changer de condition et se marierait. Mais, pour supporter cette épreuve, Catherine eut recours à un religieux artifice, — elle se figura qu’elle vivait dans la sainte maison de Nazareth, son père pieux et bon représentait Jésus-Christ lui-même, et sa mère tenait la place de la