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Pendant cette période de querelles familiales, Catherine avait construit dans son âme une cellule secrète d’où personne ne pouvait la chasser et qu’elle résolut de ne jamais quitter, quelles que fussent ses occupations extérieures… C’était ce refuge secret que connaissait aussi François d’Assise et dont il avait dit : « Notre frère le corps est une cellule et l’âme est l’ermite qui y demeure. »

Mais bientôt Catherine reçut la promesse de posséder également une vraie cellule extérieure. Dans la maison de Giacomo Benincasa, juste au-dessous de la cuisine, se trouvait une petite chambre dont la fenêtre s’ouvrait sur le Vicolo del Tiratoio[1]. Catherine découvrant que cette pièce était abandonnée y installa son ermitage. On voit encore cette cellule de nos jours. Le plancher est exactement au niveau de la ruelle qui passe derrière la maison, la fenêtre est actuellement murée, mais une croix taillée dans la pierre indique aux passans que c’est la chambre sanctifiée par Catherine. Cette chambre était fort petite, — cinq mètres de long sur trois mètres de large, — et carrelée de grandes briques rouges. Il n’y avait guère place pour des meubles : un coffre où elle serrait ses affaires et un banc, c’était tout. Le banc, dans la journée, lui servait de table, et la nuit elle s’étendait dessus tout habillée avec une bûche en guise d’oreiller, ou bien reposait sa tête sur la marche de brique qui servait à atteindre la fenêtre haut placée. La porte et les volets étant souvent clos, la petite chambre n’était alors éclairée que par la lampe qui brûlait devant le crucifix suspendu au mur.

Là, dans l’obscurité et la solitude, Catherine pouvait réellement reproduire les pénitences des anciens solitaires. Depuis longtemps déjà elle avait cessé de manger de la viande ; elle se refusait à présent toute nourriture tant soit peu délicate, et plus tard elle parvint à vivre uniquement de pain et d’herbe crue. Elle se mortifiait encore d’autre manière en portant un cilice qu’elle échangea ensuite contre une mince chaîne de fer qu’elle serrait autour de sa taille.

Un jour qu’elle pénétra chez sa fille, Lapa la vit se flageller de telle sorte que le sang jaillissait et elle pleura si fort que tout

  1. Tiratoio. Endroit où les drapiers exposaient leur marchandise pour la vente. Arnolfo di Cambio fit construire un superbe Tiratoio pour l’Arte della Lana sur l’emplacement actuel de la Bourse de Sienne.