ces descendans de Francs mâtinés d’Ismaélites et d’Arabes, cousins infiniment lointains et fort inconnus d’excellens Français des Gaules ?
Lorsque j’aurai dit que tout un monde d’esclaves vivait en Syrie, Nubiens, Mésopotamiens, Caucasiens, qu’y amenaient, sans aucun scrupule, les trafiquans italiens, et que tout esclave évadé qui revenait de son plein gré en se faisant chrétien, était affranchi parce que, disent les Assises, le territoire des seigneuries latines « est par-dessus tout terre des francs, » on aura tout à la fois l’impression de cette population étrangement composite, et l’idée du régime singulier où vivaient les classes et les races paradoxalement mêlées sous le sceptre d’un seigneur flamand, poitevin ou angevin, successeur de David sur la montagne de Sion, devenue presque une tour de Babel.
Ce qui en ressort, c’est d’abord un certain ordre dans le désordre, puisque seigneurs féodaux, bourgeois francs, marchands italiens, courtiers grecs, cultivateurs et artisans syriens, arméniens, juifs, musulmans et les esclaves même avaient, — ou peu s’en faut, — chacun sa charte et ses droits ; c’est ensuite qu’une tolérance singulière, — plus paradoxale en cette terre où le Franc était venu combattre « les ennemis du Christ, » — régnait, dont ne bénéficiaient pas seulement des chrétiens hétérodoxes, mais jusqu’aux sectateurs du Talmud autour du Golgotha et ceux de Mahomet a l’ombre de la Croix replantée.
Si les idées s’étaient faites telles, — et avec elles les institutions, — on peut penser que les mœurs s’étaient à plus forte raison singulièrement modifiées dans cette société d’Occident transplantée en plein Orient gréco-musulman.
Il existe une pièce de monnaie qui, aux yeux de l’historien, vaut beaucoup plus que son poids d’or. C’est M. Schlumberger qui nous l’a fait connaître. Le besan est chrétien, car sur une des faces, on voit la figure du Christ nimbé. Sur l’autre, apparaît la figure d’un prince qui porte le costume d’Orient ; sa barbe longue en pointe tombe sur les plis d’un vaste châle syrien, le keffieh, et autour de sa tête s’enroule le turban, — à la vérité surmonté de la croix. La légende porte en grec : Le Grand Emir Tankredos. Et ce personnage mi-grec, mi-arabe n’est autre que