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arbitre à sa guise, en même temps qu’il impose un plus grand nombre d’employés et réduit la journée de travail ; ce droit des pouvoirs publics d’augmenter à son gré les dépenses en diminuant les recettes, conduisait les compagnies à la ruine : dans un seul État, — le Missouri, — quatre d’entre elles avaient fait faillite depuis deux ans. L’abaissement des droits de douanes, dont l’Europe, il est vrai, avait lieu de se féliciter, mettait en péril les hauts salaires dont les États-Unis étaient si fiers, le chômage augmentait ; il est en effet chez eux des industries un peu factices, — celle des lainages notamment, — qui ne sauraient lutter avec les nôtres sans des tarifs ultra-protecteurs. L’acier même était menacé ; la grande corporation de l’United States Steel, en déficit, suspendait ses dividendes ordinaires.

Telle était, en 1914, la situation précaire de l’industrie américaine, due au triomphe du parti démocrate en 1912, et il est utile de la bien préciser parce que, si elle s’est radicalement transformée depuis deux ans, on saisit mieux ainsi les causes du contraste et combien la prospérité récente des États-Unis vient exclusivement de la guerre européenne.

La période du 30 juin 1912 au 30 juin 1916, — l’année statistique aux États-Unis se calcule du 1er juillet au 30 juin, — quelque matière ou quelque industrie que l’on envisage, offre le spectacle de deux courans successifs : l’un de baisse et de dépression, qui va s’accentuant jusque vers l’automne de 1914 ; l’autre de hausse et de gain que les achats de l’Europe ont créé, grossi et entretenu jusqu’à ce jour. Que l’on recherche par exemple l’origine des commandes d’acier dans les principaux centres sidérurgiques : celles de l’intérieur ont augmenté de 10 pour 100, celles de l’étranger de 300 pour 100. Sous cette influence, les prix moyens de la tonne manufacturée sont passés de 30 dollars à 60. Les cliens indigènes et les plus importans de tous, les chemins de fer, restreignent leurs achats au strict nécessaire.

D’autant plus que le renchérissement est général sur les divers métaux comme sur l’ensemble des marchandises. La demande semble insatiable, la capacité de production et de transport grandit sans parvenir à l’égaler : grains ou coton, articles d’habillement, d’alimentation ou d’éclairage, sans parler des munitions dont les ordres de livraison s’étendent dès maintenant sur l’année 1918, atteignent des cours inouïs ; celui