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environ 20 milliards de francs qui avaient été envoyés sous forme de marchandises anglaises. »

Au début de la guerre, l’Angleterre possédait 100 milliards placés à l’étranger, dont 46 dans les colonies et dominions britanniques, 7 milliards aux États-Unis, et 38 dans le reste du globe. Du revenu que lui rapportait ce capital elle replaçait sur les lieux mêmes chaque année plus de la moitié. Les autres pays suivaient cet exemple et, par les prêts qu’ils consentaient à l’étranger, se ménageaient des débouchés pour leurs produits. On estime que l’Allemagne et la France avaient placé chacune environ 5 milliards de francs en Amérique latine. Les États-Unis n’y détenaient aucunes valeurs de portefeuille ; seuls quelques-uns de leurs trusts avaient directement entrepris, sur les côtes Atlantique et Pacifique, des affaires minières et commerciales que l’on peut évaluer entre 1 500 millions et 2 milliards de francs.

Comment eussent-ils fait davantage puisqu’eux-mêmes étaient débiteurs de l’Europe ? Lorsqu’ils avaient conçu ce projet d’apparence insensée, qui consistait à lancer sans capitaux, d’un océan à l’autre, une dizaine de voies ferrées à travers un pays vide, où il n’y avait par conséquent ni voyageurs, ni marchandises, c’est l’argent de l’Europe qui les avait aidés à mener à bien cette entreprise ; puis, avec les exportations de l’agriculture, ils soldaient l’intérêt des sommes que leur industrie avait empruntées au dehors.

Ils furent saisis d’une grande inquiétude au début d’août 1914 : « Le remboursement au pair de 2 milliards 600 millions de nos obligations, disaient les railroadmen les plus autorisés, est exigible d’ici la fin de 1915 ; il nous faut en outre chaque année 2 milliards de francs pour le développement normal de notre réseau ; — la Pensylvania company, à elle seule, avait dépensé à cet effet 1350 millions dans les quatre années antérieures au 30 juin 1914. — Or, non seulement nous ne pouvons plus compter sur l’Europe pour de nouveaux prêts pendant plusieurs années, mais nous allons être submergés par un déluge de nos propres titres que les belligérans vont envoyer vendre sur notre marché, au risque d’écraser les cours. »

Ces craintes ne se sont pas réalisées ; l’Amérique a racheté pour 18 milliards de ses valeurs au vieux continent et lui a prêté en outre un chiffre de milliards qui grossit sans cesse.