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comme une querelle locale, entre habitans d’un petit continent, avides de prendre les uns le bien des autres; chicane qui n’intéresse que la famille ou, tout au plus, le voisinage. Mais voici qu’à leur tour l’Ouest et le Moyen-Ouest sont blessés ou menacés dans leurs parens et leurs voisins. Il en est de la guerre, d’une pareille guerre, comme de la politique : point n’est besoin de s’occuper d’elle pour qu’elle s’occupe de vous. M. Wilson, sentant dans le Congrès du flottement ou des résistances, fait révéler un beau matin que le gouvernement allemand, dès le 19 janvier, alors qu’il négociait avec le gouvernement de la Confédération, ce n’est pas assez dire, alors qu’il le caressait, qu’il l’accablait de ses protestations amicales, fomentait en sous-main les passions au Mexique, proposait au général Carranza une alliance éventuelle, l’éblouissait du miroitement de la plus riche proie, — les trois États américains du Nouveau-Mexique, du Texas et de l’Arizona, — se piquait même de l’extravagante prétention de détacher le Japon de la Décuple Entente et de l’entraîner roulé dans son intrigue. Au vrai, à réfléchir sur l’interminable aventure des Carranza, des Villa, de leurs partisans et de leurs rivaux, à en observer tant soit peu la marche et le caractère, à tracer le diagramme de leur fièvre, dont la courbe était précisément celle des embarras ou des inquiétudes de l’Allemagne, on n’était pas, auparavant, sans soupçonner là-dessous quelque machine, made in Germany. De même, à Cuba, lorsque nous avons vu tout à point reparaître, nous sommes tentés de dire ressusciter, le vétéran de toutes les insurrections, ce Maxime Gőmez, qui est pour nous une ancienne connaissance, espèce de condottiere, et, à l’enthousiasme, au lyrisme, à la chevalerie près, de Garibaldi du Nouveau-Monde; Dominicain au surplus, natif de Saint-Domingue, et non Cubain, qu’on croyait plus que retiré, enterré à jamais puisqu’il en avait fait autrefois le serment : « Si, dans la maison où je vais demeurer, il y a une cour et un arbre, j’arracherai l’arbre, tant je suis dégoûté de la brousse et de ses hôtes, de la manigua et des manigueros ! » A l’apparition de ce spectre, on avait cherché le médium, et on l’avait vite deviné. Mais on n’avait cependant pas la preuve de la duplicité, de la trahison allemande : on l’a désormais, et elle est écrite ; bien plus qu’écrite, signée de M. Zimmermann, en sa qualité de ministre secrétaire d’Etat à l’Office impérial des Affaires étrangères. Et l’on a par surcroît, pour la corroborer, tant d’autres preuves, et de si éclatantes, que la publication, assure-t-on, en ferait scandale. A la lecture du document, l’univers civilisé, celui qui ne confond pas la civilisation avec la Kultur, n’a eu qu’un cri : «