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l’année suivante, pour 1915-1016, un deuxième volume parut, intitulé, comme le précédent, La guerre de 1914 vue en son cours chaque semaine. Un troisième volume était prévu, peut-être même un quatrième. Mais l’auteur tomba sans avoir terminé l’œuvre patriotique, pour laquelle toutes ses autres occupations avaient été résolument sacrifiées, même ses cours au Collège de France. « Eclairer et soutenir l’opinion publique, la plume à la main, telle est la seule mission, disait-il, que je puisse désormais efficacement remplir, afin de servir mon pays. » Il la remplit glorieusement, en effet.


Le portrait de Paul Leroy-Beaulieu est présent à toutes les mémoires. Sa noble prestance, son visage puissant et régulier, l’attrait de sa santé florissante, l’expression aimable et réservée de son accueil, l’image revit douloureusement, dès sa première évocation, devant les yeux de ses amis. Oserai-je dire que, même dans sa vieillesse, il conserva cette même beauté extérieure, modifiée, sans doute, par l’âge. Car, alors, on ne voyait plus ses cheveux noirs abondans et sa barbe soyeuse, notre aussi, encadrer sa figure, comme le montre son portrait d’autrefois par Carolus Duran. Mais son teint demeuré frais reflétait toujours la santé, ses yeux gardaient leur finesse et leur profondeur, et son large front continuait d’abriter sa large intelligence. Aux deux époques, d’ailleurs, une certaine solennité présidait à ses mouvemens.

Peut-être sommes-nous incité à découvrir chez lui cette analogie physique, à des âges différens, en raison de la même analogie révélée, on s’en souvient, entre ses œuvres de jeunesse et ses œuvres de maturité. L’unité de sa vie est le phénomène qui éclaire toute sa biographie, avons-nous déjà dit.

Il nous a toujours semblé que, dès ses débuts, notre ami occupait, par un don inné de la Providence, une place privilégiée, lui permettant de voir plus haut et plus loin que la foule. Il marchait, pour ainsi dire, à mi-côte, dominant la troupe indifférente de ceux qui poursuivent leur banal chemin dans le fond de la vallée. Nous disons à mi-côte, et non au sommet, où se retirent les sublimes rêveurs, désireux, de perdre la terre de vue. Lui, au contraire, voulait, à tout prix, garder contact avec les réalités pratiques. Il tenait à les suivre d’assez près