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selon les moyens de chacun, ce sont des jeunes filles et des femmes du monde qui assurent tout le service : cuisine, marché, service de table.

Des initiatives privées avaient commencé, aux premiers jours d’août, à faire des distributions de soupe et de pain. Les besoins s’accrurent si rapidement que les ressources devinrent insuffisantes. Nous décidâmes d’y contribuer personnellement. Chacune de nous préparait de grandes marmites de soupe que, vers midi, nous transportions nous-mêmes, à travers la rue, dans des casseroles fumantes. Plus d’une centaine de femmes reçurent ainsi leur ration tous les matins.

Après quelques semaines cependant, les Administrations communales prirent à leur charge ces distributions onéreuses. Cette Soupe communale consiste en une distribution journalière d’un demi-litre de soupe et de 250 grammes de pain et en une distribution hebdomadaire de pommes de terre. En 1916, dans la seule agglomération bruxelloise, plus de 250 000 personnes, sur une population de moins de 700 000 habitans, ont été tristement réduites à vivre de la charité publique. Devant les locaux où se fait la distribution, ainsi que devant les Magasins communaux où se fait la vente de certains produits que l’importation américaine permet de livrer à un taux un peu moins onéreux aux pauvres et aux bourgeois du quartier (moyennant présentation d’une carte de ménage qui les rationne dans leurs achats), on voit de pauvres et lamentables files d’individus, hâves et déguenillés, qui stationnent pendant d’interminables heures ! Tout récemment, au début de cet hiver, les pauvres gens étaient forcés d’attendre de huit heures du matin à trois ou quatre heures de l’après-midi, pour obtenir trois seaux de charbon…

Conformément au programme de l’Union patriotique des femmes belges, il fut décidé de constituer des comptoirs de travail destinés à procurer aux chômeuses des travaux de couture qui seraient rémunérés. J’ai été témoin de leurs humbles débuts. Une de mes amies fut chargée d’organiser un atelier de coupe. Elle commença avec trois ouvrières, dans une modeste petite chambre. Aujourd’hui, elle emploie un personnel d’une cinquantaine de femmes qui occupent tous les étages d’un vaste hôtel, et quatre coupeurs de métier ne cessent, du matin au soir, de faire manœuvrer leurs grands ciseaux