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nous amener, — telle était son illusion, — à capituler ! Les proclamations affichées sur nos murs et les journaux que nous appelons « embochés, » parce qu’ils sont soumis à la censure allemande, distillent un venin qu’ils tâchent de répandre sournoisement jusque dans la pensée et dans les cœurs… En voulez-vous la preuve ? Il me suffira de me rappeler au hasard quelques-unes de ces proclamations perfides.

L’Allemagne cherchait à nous faire perdre confiance dans la justice de notre cause, dans notre gouvernement, dans nos alliés : la France était absolument incapable de résister à la pression allemande, le nombre des prisonniers, surtout sur le front russe, se chiffrait par milliers… Le 4 septembre 1914 : « De l’Est, le colonel Hindenburg annonce le transport de 90 000 prisonniers non blessés. Cela équivaut à l’anéantissement de toute une armée. » Il est plaisant de rappeler que des gamins bruxellois s’étaient amusés à ajouter un zéro à l’affiche et qu’on y lisait 900 000. Ces mêmes gamins y apposaient leurs commentaires à grands traits de crayon, et les termes de « Lâches ! Voleurs ! Assassins ! » se retrouvaient sous le texte des proclamations annonçant de nouvelles réquisitions ou des condamnations capitales.

Quant à l’Angleterre, c’était sur elle que les communiqués s’acharnaient. Dès le premier engagement, nous pouvions lire, à la date du 23 août : « L’armée anglo-franco-belge, à l’Ouest de Namur, a été définitivement battue par les armées allemandes, qui ont fait des milliers de prisonniers et pris des canons en grand nombre. Les Anglais sont en pleine déroute. Une brigade anglaise a été écrasée ; son commandant et beaucoup de ses officiers faits prisonniers. » Je serais vraiment curieuse de connaître l’importance de cette armée anglaise participant aux opérations des environs de Namur, car jamais nous n’en entendîmes parler.

À propos de ce dédain avec lequel nos adversaires traitaient « la méprisable petite armée de lord Kitchener » et ses « mercenaires, » une anecdote assez piquante courut la ville. Une conversation s’était engagée entre un officier allemand et un prisonnier anglais.

« Après tout, lui demande l’Allemand, pourquoi vous battez-vous, vous autres ?

— ?