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Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/695

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Voilà les Jésuites ! Voilà leurs collèges. Des collèges comme les autres : et, en outre, la religion. Parlons-en ! La première communion, chez les Jésuites de Vannes, c’est une scène quasi infernale. « Exemples dramatiques, bonheurs exaltés, châtimens horribles venaient à l’appui des explications du catéchisme… » Pendant les jours de la retraite, on cite à Sébastien l’histoire d’un enfant impie que les chiens ont dévoré, d’un autre que la vengeance divine a précipité d’une falaise dans la mer, et de bien d’autres qui désormais brûlent aux feux de Satan. Les plus dévots ? L’un, au sortir de la chapelle, va trouver ses parens, leur tend son couteau, les supplie de le tuer, disant : « Tuez-moi ! tuez-moi ! Je vous en conjure ; car je suis sûr d’aller au ciel tout droit ! » Et, la première communion de Sébastien, c’est une aventure où la physiologie est importante : l’hostie n’a-t-elle point failli l’étouffer ? Sébastien n’a pas eu de chance : car il a rencontré, dans un seul collège et dans l’espace de peu de mois, plus de scandale que n’en réunissent, d’habitude, les annales de plusieurs départemens au cours d’un siècle. Mais Célestine, la femme de chambre dont Mirbeau copie, en y « mettant du sien, » le Journal, Célestine, c’est pis encore ! Célestine, c’est effroyable, ce qu’elle a rencontré de saleté dans les nombreuses places qu’elle a faites. Ses maîtres, les uns après les autres, vieux ou jeunes, sont à ses trousses des chiens plus terribles, plus hargneux, plus dégoûtans que les chiens de Kerral aux trousses du clerc d’huissier. Les femmes : toutes les maladies et toutes les dépravations. Les jeunes gens : des petits faunes, et féroces. Tous : hormis l’un, M. Georges, un adolescent poitrinaire, avec qui ce fut presque une idylle, et touchante, jolie dans le désespoir. Encore a-t-il fallu que Mirbeau ne consentît pas à laisser l’idylle simplement jolie, mais l’avilît de quelques détails écœurans. Les domestiques, autour de Célestine ? Bien dignes de leurs maîtres. Celui que Célestine agrée pour l’épouser est l’assassin d’une fillette qu’il a violentée. C’est trop !

Pauvre Mirbeau, si brave, et qui a mis son orgueil de courage à ne point épargner ses héros, ni son lecteur ; si épris de la vérité : mais il a cru que le service de la vérité voulait qu’il traînât l’univers dans la boue ! La vérité n’en demande pas tant ; et elle demande aussi davantage : une étude méticuleuse, attentive, et lente, et qui ne se rue pas à des conclusions, et qui même s’attarderait à ses remarques, fût-ce au risque de ne jamais conclure. La vérité est dans les nuances : Mirbeau la peint toute en couleurs ; et, les nuances, il les dédaigne, comme des signes d’hésitation, de lâcheté. Il n’hésite