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il y avait autre chose. Était-ce la mauvaise volonté du gouvernement britannique ? Etaient-ce les obstacles du ministère français ? Non, d’un côté comme de l’autre, toutes facilités. Il y avait donc une cause d’ordre intime, qu’il fallait découvrir. On peut croire qu’on y est parvenu.


I

Lorsque Napoléon fit voile, sur le Northumberland, pour la prison que lui avait assignée la Sainte Alliance et dont l’Angleterre s’était assuré la garde, il avait obtenu d’emmener une sorte de maison militaire et civile composée du général comte Bertrand, grand maréchal du Palais à Paris et à Porto-Ferrajo, du comte de Montholon, chambellan et général, du général baron Gourgaud, aide de camp, du comte de Las Cases, chambellan. La comtesse Bertrand, née Dillon.et la comtesse de Montholon, née Vassal, avec leurs enfans, accompagnaient leurs maris et formaient ainsi autour du proscrit une petite cour. Sur le Bellérophon, l’Empereur avait eu à se louer du chirurgien du bord, un nommé O’Meara et, au refus du médecin qu’il avait amené de Paris et qui ne se soucia point de Sainte-Hélène, il se l’attacha avec l’agrément des autorités de tous ordres de la Marine. Ensuite, venaient les serviteurs dont un, qui se faisait appeler Cipriani, avait de très ancienne date la confiance des Bonaparte ; il était contrôleur de la Maison, faisait les achats et surveillait les gens. C’était le personnage principal. Puis venaient les valets de chambre, Marchand et Saint-Denis, que leur dévouement a immortalisés, un Corse nommé Santini qui s’était attaché à l’Empereur avec une telle obstination que celui-ci l’avait emmené d’abord à l’île d’Elbe, puis à Sainte-Hélène où il cumulait les fonctions vagues de gardien d’un portefeuille qui n’existait pas et de chasseur de perdrix qu’il n’attrapait guère. Tel était, avec quelques comparses qui n’ont guère laissé de témoignage utile, le personnel de la maison.

Dès 1816, il fut diminué de Santini et de trois autres, le gouvernement britannique ayant, sous un prétexte d’économies, exigé que l’Empereur renvoyât en Europe quatre personnes de sa suite ; comme, à défaut de perdrix, Santini pensait à prendre le gouverneur pour cible et que cette action de chasse eût amené des complications, il fut le premier désigné. Ce fut cet homme