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professait l’anatomie et où il exerçait en ville la chirurgie. Ce jeune homme a sacrifié pour l’amour de l’Empereur les intérêts de sa famille et, malgré qu’il eût contracté des obligations envers les souscripteurs des susdits ouvrages, nous pouvons compter sur son zèle et sur son inviolable attachement. »

Voilà l’apologie d’Antommarchi. Elle devait trouver bientôt des contradicteurs autorisés : professeur d’anatomie de l’Université de Pise, détaché à Florence, il était, pour la publication des Œuvres de Mascagni, l’employé appointé par une Société des Amis des Arts et de l’Humanité, en partie composée d’Anglais, qui l’avait entreprise au profit de la famille de l’anatomiste. Il avait été désigné pour surveiller l’impression et corriger les épreuves. C’est, écrivait, après enquête, Planat au roi Louis, « un homme qui n’a aucune connaissance et qui est tout simplement préparateur des dissections à l’amphithéâtre de Florence. » « Je tiens de source sûre, écrit sir John Webb à lord Burghersh, ministre d’Angleterre à Florence, qu’il possède plus de talent pour l’intrigue que de connaissances médicales, ces dernières se bornant à la seule anatomie qu’il a étudiée sous la direction de M. Mascagni. On me dit aussi que M. Antommarchi a beaucoup d’audace et que, pour cette raison, il donne généralement l’impression d’être plus capable qu’il ne l’est. »

Mais ici, il n’avait point eu à intriguer ni à donner des preuves de cette présomption et de cette outrecuidance qui devaient lui aliéner les bonnes volontés les mieux établies. Il n’avait point nu à bouger, on l’était venu chercher ! C’avait été Colonna de Leca, intendant d’Aquila au temps de Murât, à présent chevalier d’honneur de Madame. Colonna, qui, assure-t-on, l’avait connu à Florence où il était venu de l’île d’Elbe et où il avait résidé, — (fort peu de temps sans doute, car, s’il arriva à Florence le 22 octobre 1814, il était de retour à Porto-Fcrrajo sans doute depuis plusieurs jours, le 16 novembre ; à cette date le trésorier Peyrusse lui paya pour frais de voyage 1 236 francs.) S’il avait passé à Florence, c’avait été pour aller ailleurs. Peu importe la brièveté du séjour ; le chevalier Colonna, assure-t-on, fut conquis, et avec la compétence qu’il n’avait point manqué d’acquérir à Aquila, il certifia l’honnêteté, le dévouement, l’intelligence et la valeur scientifique du prosecteur de Florence et emporta pour lui la place. Aussi bien, comme son protégé était un Corse, tout fut dit.