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plus fidèle soutien de Bismarck et de la politique d’Empire et qui, comme l’ordre même des mots l’indiquait, avait fini par subordonner son libéralisme à son nationalisme. On sait que, dans la guerre présente, le parti national-libéral s’est montré aussi « annexionniste, » aussi pangermaniste, aussi outrancier que les plus qualifiés des conservateurs, en sorte que, pour rétablir l’équilibre et pour respecter la loi de physique politique qui pourrait s’appeler « loi de Bismarck, » le chancelier de Guillaume II a été conduit à se rapprocher de la fraction modérée de la social-démocratie. Il ne tenait qu’à Nicolas II d’acquérir de la même manière ses « nationaux-libéraux. »

En réalité, et c’est ce qui va nous faire comprendre le cours des choses, le libéralisme russe avait engagé son avenir dans la guerre. Il jouait sa fortune sur la victoire. Si le défi de l’Allemagne, qui n’avait pas été relevé on 1909, l’avait été en 1914, c’était, pour une part, aux critiques que la Douma avait faites de la politique d’effacement que ce résultat avait été dû. Le sentiment et les théories des libéraux étaient intéressés dans cette lutte contre le bloc austro-allemand. Leur responsabilité ne l’était pas moins. Ils avaient tout approuvé, les crédits, les hommes, les sacrifices que la guerre impose aux nations. Si la guerre se terminait mal, ce n’étaient pas seulement l’idée slave et le patriotisme de la Douma qui auraient à souffrir. Ce serait la Douma elle-même qui serait atteinte. Réactionnaires ou révolutionnaires « défaitistes » la guettaient également, l’attendaient au résultat pour l’en accabler. C’est ainsi qu’indépendamment même de tout sentiment et de toute idéologie, l’instinct de la conservation, et, aussi, on ne sait quel appel des dieux, devaient entraîner la Douma à pousser la guerre à fond, à consacrer à la guerre, surtout par ses Commissions, son activité et ses forces, — ce qui, justement, devait l’introduire, avec la bureaucratie, dans un conflit qui aura été prompt à dégénérer en duel à mort.


Lorsque Pierre le Grand, il y a deux cents ans de cela, avait constitué sa hiérarchie administrative, il avait composé le tchin aux quatorze degrés, avec ses « équivalences, » des traditions de la Horde d’Or et d’élémens empruntés à l’administration de son voisin le roi de Prusse. Le tchin, mongolique et prussien, devait, dans sa pensée, faire de toutes les branches