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nuit, et les larmes couvrent ses joues... Les chemins de Sion sont dans le deuil, parce que nul ne vient plus à ses fêtes... » Etrange évocation du prophète : au bord du fleuve, voici que Verdun apparaît comme une veuve, et les larmes couvrent ses joues. Elle appelle la vengeance sur ceux qui lui ont versé l’affliction et qui ont précipité sur elle un torrent de maux.

Nous rentrons dans la citadelle. Là, l’impression est tout autre. Dans cette crypte de Verdun brille la flamme du sanctuaire. Nul vent ne l’éteindra. Elle est le signe de la foi et de l’espérance, — foi dans les destinées de la patrie, espérance dans ses puissances spirituelles et matérielles. Verdun est déjà une défaite allemande. Verdun doit être et sera une victoire française. C’est ici que le cœur de la France a brûlé le plus ardemment...


LA VICTOIRE DE DOUAUMONT VAUX


I. — LES TROMPETTES DE CHARLEMAGNE
(21 octobre 1916)

Comme les appels désespérés du fort de Vaux, dans cette semaine tragique de juin où il fut entouré, évoquent à travers les siècles d’histoire française les appels de Roland sonnant de l’olifant, la grande vague d’infanterie qui va déferler dans les ravins et sur les collines de la rive droite de la Meuse et délivrer les deux captifs, Vaux et Douaumont, évoque le retour de Charlemagne sur le champ de bataille de Roncevaux et la vengeance de l’Empereur.

Roland est mort : Dieu en a l’âme aux cieux... L’Empereur, cependant, arrive à Roncevaux. Pas une seule voie, pas même un seul sentier, pas un espace vide, pas une aune, pas un pied de terrain où il n’y ait corps de Français ou de païen...

L’Empereur fait sonner ses clairons. Puis il s’avance à cheval avec sa grande armée. Enfin ils trouvent la trace des païens, et, d’une ardeur commune, commencent la poursuite...

Mais le soir descend, la nuit va recouvrir la retraite de l’ennemi, le temps va manquer pour accomplir la sainte tâche des représailles. Alors l’Empereur met pied à terre et supplie le Seigneur Dieu d’arrêter le soleil dans sa course. L’ange qui lui est préposé vient le rassurer :