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la Grande-Bretagne, l’Italie ont leur part, la France va avoir la sienne, et, à en juger par l’effusion des sentimens, ce sera la part de prédilection : prêter avec cet élan, c’est donner. Les ressources ainsi fournies serviront à payer, aux États-Unis mêmes, les expéditions de vivres et de matériel faites à chacun des pays de l’Entente ; le capital produira un faible intérêt, sera remboursé à long terme, mais de la sorte le problème du change, qui a si souvent fait l’angoisse de nos ministres des Finances, est résolu. Tout de suite aussi les États-Unis vont apporter à leurs alliés européens leur concours maritime, et, dans le sens le plus concret de l’expression, leur concours alimentaire. Leur flotte marchande, fiévreusement augmentée, va allonger, à travers l’Océan, ses convois qu’escortera la flotte de guerre, et si l’Allemagne exerce contre le pavillon étoilé la fureur de ses torpillages, elle torpillera les plus beaux de ses propres transatlantiques. Mais les États Unis entendent, en outre, que leur contribution à la guerre soit vraiment une contribution de guerre ; ils ne veulent pas se contenter de la faire avec leur argent, ils veulent y participer de leur sang. Ils ont décidé de lever, par tranches successives, afin de pouvoir l’instruire et l’expédier plus rapidement, une armée de deux millions d’hommes, renouvelant le prodige britannique d’un pays qui n’a pas d’épée, et qui, en pleine bataille, s’en forge une, égale aux meilleures. A cet effet, ils ont décidé le service obligatoire, que l’abondance de leur population leur permet d’adoucir ou d’assouplir par de larges exemptions. Au cri enthousiaste de M. Roosevelt, 200 000 volontaires se sont empressés de faire écho, et l’on propose de constituer un corps expéditionnaire de six brigades qui, sans tarder, viendrait dans nos tranchées incarner, à la face des Allemands, la résolution de l’âme américaine. Ce n’est pas tout. La Russie, qui a besoin, comme nous, d’or et de nourriture, n’a pas besoin d’hommes, mais d’ordre, d’impulsion et de direction. Des forces gigantesques, colossales, y dorment : il suffit de les éveiller. Ici le secours américain se fait particulièrement ingénieux ; les chemins de fer russes se traînent, et ne donnent que peu du rendement dont ils seraient capables. L’ « américanisation » du Transsibérien jettera sur les champs de bataille de l’Europe l’appoint de toute l’Asie orientale, et ouvrira à l’Amérique même une route de plus. Pour ces besognes de vitesse, où il convient de faire rapide plutôt que solide, les procédés américains se recommandent. Ils peuvent décupler le pouvoir de guerre de l’Entente, en fouettant et surexcitant toutes les énergies qui sommeillent.