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la situation comme entièrement changée : d’une part, la situation générale des affaires du pays se complique ; de l’autre, les forces de la démocratie ouvrière s’accroissent, et ne peuvent plus être écartées d’une participation responsable dans la direction de l’État. » En conséquence, plusieurs portefeuilles dans le ministère étaient mis à la disposition des socialistes des diverses nuances ou tendances, révolutionnaires ou nationalistes. Après un premier refus et maintes négociations, le Cabinet qui sert de gouvernement provisoire s’est reconstitué sous la présidence maintenue du prince Lvoff, avec six socialistes, sociaux démocrates, socialistes-nationaux ou travaillistes ; le reste, progressiste ou cadet, six ou sept ministres aussi, de façon que le gouvernement se partage en deux fractions sensiblement égales, au moins par le nombre, qui n’est pas tout. Ce qui donne à la combinaison son caractère, plus encore que la présence d’hommes comme M, Skobeleff, vice-président du Conseil des délégués ouvriers et soldats, devenu ministre du Travail, comme M. Tseretelli, fameux depuis la révolution de 1905, devenu ministre des Postes et télégraphes, c’est que M. Terestchenko y prend le ministère des Affaires étrangères, et M. Kerensky, les deux ministères réunis de la Guerre et de la Marine ; mais ç’a été, premièrement, que M. Mihoukoff, dépossédé des Affaires étrangères, a préféré se retirer plutôt que d’aller à l’Instruction publique ; disons tout net qu’au regard des Alliés, ce qui caractérise le remaniement du gouvernement russe, c’est que M. Milioukoff a quitté le département des Affaires étrangères.

Au fond, si la crise n’est pas née de sa note sur les « buts de guerre, » à laquelle nous avons fait une rapide allusion l’autre jour, elle s’est nouée et elle s’est déroulée autour d’elle. On se souvient que M. Milioukoff avait été sommé par les internationalistes de rayer les deux mots qu’il avait osé écrire, à propos de la future paix, de « garanties » et de « sanctions. » Tout en se défendant, comme d’un déshonneur, de la pensée même de conclure une « paix séparée, » le gouvernement russe élargi (exprime le désir de savoir si, pour hâter ou rapprocher le jour d’une paix générale, les gouvernemens alliés seraient disposés à réviser leurs « buts de guerre » sur la base d’une paix, il ne dit pas « sans garanties et sans sanctions, » mais « sans annexions et sans indemnités. » Admettons, sous toutes réserves, qu’il n’y ait point d’inconvénient à répondre, la réponse étant, au demeurant, rendue moins délicate par les récentes explications du prince Lvoff et de M. Terestchenko, comme par le langage franc et net, concret en sa précision, que M. Albert Thomas a tenu