bon » que les vieux coloniaux n’avaient jamais eu coutume d’entendre. Ces braves gens qui cheminaient sous de violens barrages sans hâter le pas, qui faisaient des folies héroïques pour ramener en lieu sûr leurs gradés français morts ou blessés, ont besoin de soleil ou d’une température clémente pour rester les guerriers que notre épopée africaine immortalisera, que Marchand, Baratier et Mangin ont rendus populaires. Les événemens de l’après-guerre, mieux encore que les moralistes et les philosophes, diront s’il fut sage de les mêler aux querelles des Blancs ; mais tous nos « Mahmadous » se sont sacrifiés sans compter pour hâter le triomphe de notre cause. Dieu veuille que la France reconnaissante ne leur donne pas trop tôt en récompense le bulletin de vote de l’électeur inconscient !
Les Annamites et les Malgaches, victimes de préjugés pour le moins raisonnables, sont tenus éloignés des affres de la guerre contemporaine, et sont condamnés aux besognes sans gloire des troupes d’étapes sur les routes et dans les chantiers. Peut-être les Malgaches, où dominent les Hovas intelligens mais peu belliqueux, trouvent-ils en cette matière que les préjugés ont du bon ; mais les Annamites, dans leur vanité d’Asiatiques, n’observent pas sans amertume la différence de prestige qui sépare les auxiliaires jaunes des combattans noirs. Ils envient la renommée des Sénégalais, leur camaraderie exubérante avec les chefs et soldats européens. Recrutés en principe par enrôlemens volontaires parmi les anciens tirailleurs de Cochinchine ou du Tonkin, ils ont la fierté de leurs services militaires et parlent volontiers de leurs expéditions contre le Dè-Tham ou les réformistes chinois : « Moi engagé pour faire tirailleur et pas pour faire coolie, » ne manquent pas d’affirmer, aux coloniaux qui les interrogent en passant, les linhs que l’appât de la forte solde et le goût des aventures ont attirés vers la Macédoine dont les montagnes déchiquetées leur rappellent celles de l’Annam ou du Haut-Tonkin. Ils consolent leur amour-propre en accomplissant avec gravité leurs fonctions de surveillans de travaux où, par un ironique retour du sort, ce sont des Blancs, — Macédoniens, il est vrai, ou prisonniers, — qui font les besognes de coolies. Chaudement habillés pendant l’hiver, vêtus de toile en été, ils supportent allègrement, dans des bivouacs aménagés avec leur ingéniosité habituelle, leurs tristesses de déracinés. Mais leur courage tranquille et sans