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M. Charles de Rouvre, l’auteur de l’Amoureuse histoire d’Auguste Comte et de Clotilde de Vaux, eut pour grands-parens, et qu’il a bien connus, le frère et la belle-sœur de Clotilde. Il a recueilli les traditions de la famille, les témoignages et les papiers, lettres et documens divers, qui lui permettent de contrôler les opinions, les récits, peut-être les rancunes : enfin, le dossier du procès ; car l’histoire d’amour s’est terminée, après la mort de Clotilde, en vive et terrible querelle entre sa famille et Auguste Comte. Parmi ces vieux papiers, il y en a un que le petit-neveu ne s’est pas cru autorisé à lire : le manuscrit de ce roman de Wilhelmine que Mme de Vaux avait commencé d’écrire peu de temps avant de tomber malade et de mourir. C’est un sentiment de pieuse déférence qui l’empêche de tirer d’un rouleau de cuir noir, où la mère de la romancière les a enfermés, les feuillets de l’œuvre inachevée. Clotilde, en ce roman, parlait de soi, de son entourage ; en train de confession, les écrivains ne bornent pas toujours à eux-mêmes leurs aveux et, d’habitude, livrent avec leur secret celui du prochain. Renonçons à Wilhelmine : ce qu’on nous donne compense largement ce qu’on nous refuse. A mon avis, pourtant, il valait mieux tout donner, du moment qu’on n’avait pas tout refusé. D’ailleurs, si M. Charles de Rouvre écarte l’une des pièces du dossier, ce n’est pas au profit de sa cause. Il ne soutient pas une cause ; ou, du moins, il ne se montre jamais partial. Il ne cache les torts de personne ; et même il raffine un peu, quelquefois, pour découvrir les torts de sa famille à l’égard d’Auguste Comte. Il ne dénigre pas Auguste Comte ; et même il rend pleine justice à l’originalité puissante et à la portée de son génie.

Née au printemps de l’année 1815, Clotilde était fille d’un vieux soldat de l’Empereur, le capitaine Joseph-Simon Marie, et de très noble dame Henriette-Joséphine de Ficquelmont, celle-ci appartenant à l’un de ces quatre noms de Lorraine qu’on appelait depuis longtemps les « grands chevaux. » Le capitaine, de modeste origine, engagé volontaire à dix-sept ans, avait servi très bien, sans gloire aucune, partout où les armées de la République et de l’Empereur travaillaient : de 1792 à 1815, pendant ces vingt-trois ans de guerre, il avait exactement fait vingt-trois ans de guerre. C’était un homme insupportable, qui vous jetait à la Seine un cocher mal obligeant et passait de la violence à la faiblesse un peu vite. Après l’Empire, un demi-solde. On le nomma percepteur à Méru, dans l’Oise, où Clotilde eut son enfance, et puis son adolescence, et puis son mariage. Elle épousa, en 1835, M. Amédée de Vaux,