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tezione ; nous avions noté la nuance, et c’est à tort qu’on a traduit : « sous son protectorat. » Elle a poussé son avance en Épire et occupé Janina, non sans soulever, à ce qu’il semble, des protestations. Depuis quelque temps aussi, la petite république de Koriza l’agaçait, comme une amorce, comme une pointe venizeliste, et il convient de ne pas négliger ce symptôme. Que l’Italie soit désormais au contact de la Grèce, c’est peut-être plus qu’un incident ; il se pourrait que de vrais événemens en vinssent, surtout si les deux Grèces réunies retrouvaient et reprenaient les voies de la plus grande Grèce. L’Entente doit avoir l’œil ouvert de ce côté. Pour l’Italie, nous l’avons dit, la proclamation de l’indépendance albanaise sous sa protection est un geste à triple et quadruple détente : comme l’Albanie méridionale ne se distingue pas nettement de l’Épire septentrionale il barre le chemin à la Grèce ; il coupe le chemin de l’Adriatique, dans le cas probable de la victoire des Alliés, à un futur grand État yougo-slave, et, dans le cas contraire, aux ambitions de l’Autriche ou de la Bulgarie ; au pis aller, il met une monnaie d’échange ou de rançon dans le portefeuille de la Consulta. Si l’Italie avait tenu l’Albanie pour elle-même, c’est-à-dire à l’Albanie en elle-même, voilà trente ans qu’elle aurait pu l’avoir. En 1887, à Friedrichsruhe, Bismarck l’offrit à Crispi, pour toutes sortes de raisons, quelques-unes plaisantes, mais qui ne durent guère plaire à son visiteur, dont la famille était originaire de cette région. On croyait que, bien plus qu’à prendre l’Albanie, l’Italie tenait à ce que l’Autriche ne la prît pas, et que c’était le but du combat d’influence qu’elle y livrait à l’empire des Habsbourg. D’où l’essai, d’avance condamné, auquel présida ridiculement ie prince de Wied. Mais, quels que soient pour demain les projets de l’Italie autour de Vallona et de Santi-Quaranta, ce n’est pas aujourd’hui ce qui appelle nos observations : jusqu’à ce qu’elle se pose internationalement, l’affaire albanaise se présente comme une affaire italienne d’ordre intérieur.

Eh ! quoi, dans l’instant même où la Révolution russe lance son veto : « pas d’annexions, » et où les Puissances de l’Entente, tout en faisant des réserves, en définissant, s’accordent à répondre : « En effet, pas d’annexions, » dans cet instant même, l’Italie déclare prendre l’Albanie « sous sa protection, » et l’on pense savoir ce que c’est, dans le style des chancelleries, que de « prendre sous sa protection » un pays préalablement proclamé uni et indépendant. Encore qu’ils ne soient pas de la stricte observance, MM. Bissolati, Bonomi et Comandini, qui représentent dans le Cabinet Boselli des