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une attaque allemande était enrayée, on donnait à Ramscapelle un nouvel assaut. Les grosses pièces allemandes faisaient rage sur toute la ligne, mais les abords de Ramscapelle surtout semblaient un enfer. Sans se laisser intimider, aux cris de « Vive la France ! » nos troupes, zouaves, tirailleurs, chasseurs, fantassins, et les Belges aux cris de « Louvain, Louvain ! » se ruèrent... Moment critique : si le village reste une nuit de plus, avec la chaussée, aux mains de l’ennemi, la bataille de l’Yser peut tourner en irréparable défaite. Avec des pertes cruelles nos gens avançaient : les lisières Ouest et Nord du village sont prises, on se bat maintenant maison par maison : on se prend à la gorge, mais les Allemands reculent. A la chute du jour, on a le village et, dans la nuit, une attaque à la baïonnette permet de reprendre la chaussée d’où les ennemis sont rejetés dans l’eau, — maintenant haute, 400 prisonniers restant entre nos mains. Des reconnaissances aussitôt poussées au delà de la voie ferrée peuvent constater avec quelles forces l’ennemi a opéré. Dans les flots bourbeux de la nouvelle lagune, on voit se débattre un monde de blessés. L’ennemi en fuite a maintenant regagné la rive droite de la rivière qui, sur le terrain inondé, se distingue à peine.

Le 31, l’inondation a gagné Pervyse : déjà, les environs de Dixmude s’imbibent. Le 16e chasseurs achève de nettoyer d’Allemands quelques maisons au Nord de Ramscapelle où ils se sont défendus avec grand courage et « vide les caves. » L’ennemi ne réattaque pas, ne manifestant sa rage que par un bombardement plus violent que jamais. Cruellement déçu, (les prisonniers avouent que deux divisions ont attaqué et que l’Empereur est arrivé,) plus cruellement éprouvé, (ses pertes semblent énormes,) [1] il soufflait, tandis qu’attaqué vers Luyghem et Merkem, il est obligé d’y renforcer sa défense. « L’ennemi, écrit un sous-officier allemand du 24e d’infanterie de réserve, occupe une position colossale, » et la surprise autant que la déception allemande se révèle dans le mot du sous-officier Seipel : « Nous avons affaire à trop de Français. »

  1. Un rapport trouvé le 2 novembre sur un mort à Bixchoote révélera que le lendemain de Ramscapelle un régiment n’avait plus à mettre en ligne que 350 hommes. Le sous-officier Seipel, de son côté, dit dans son carnet que la 6e division a subi « des pertes considérables. » Un officier prisonnier dira, le 3 novembre, que la seule bataille du Bas-Yser a coûté aux Allemands 30 000 hommes, dont 10 000 morts.