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pour en comprendre tout de suite la haute importance stratégique et navale. Quand, à la fin de 1915, je signalais, ici même, à travers des réticences et des mutilations imposées par la censure, le danger permanent que l’Espagne représente pour nous, je ne rencontrai que des sceptiques ou des indifférens : depuis, les sous-marins allemands se sont chargés de faire l’éducation de l’esprit public.

Il suffit de parcourir les quais de Marseille, pour sentir de quel poids cette grande ville méridionale, cette seconde capitale de la France, pèse sur les destinées de la Patrie tout entière. Ces kilomètres de môles, de docks, de hangars sont quelque chose de déconcertant pour l’imagination. Déjà, avant la guerre, les ports de Marseille couvraient une superficie immense. On les a prolongés jusqu’à l’Estaque : les travaux ne se sont pas interrompus, malgré les difficultés de la main-d’œuvre. Une Compagnie suisse en poursuit l’achèvement. Bientôt, grâce au canal, qui va relier l’Estaque à l’Etang de Berre et celui-ci au Rhône, Marseille pourra communiquer avec notre réseau de navigation intérieure : la Porte de l’Orient deviendra de plus en plus la Grande Porte occidentale, celle qui amènera la mer au cœur de notre pays.

Sans doute, le transit habituel de Marseille a quelque peu diminué depuis la guerre : les dangers de la navigation en Méditerranée suffiraient seuls à l’expliquer. Si l’on visite les anciens môles, où nos grandes compagnies maritimes ont leurs hangars et leurs pontons de débarquement, on n’y retrouve plus l’animation d’autrefois. La place d’Afrique, centre de cette région mouvementée, est moins encombrée de barriques et de peaux des Pampas, bien que, cependant, des escouades de prisonniers allemands y entretiennent une activité continuelle. Mais la direction du transit s’est déplacée. Aujourd’hui, le grand mouvement du port se détourne surtout, — ce qui est très compréhensible et très naturel, — vers les nouveaux môles, où s’effectuent les embarquemens et les débarquemens de troupes, de subsistances et de matériel, où le génie, l’artillerie et l’intendance ont leurs services et leurs entrepôts.

Un peuple de travailleurs de toute espèce, de tous pays et de toute couleur assure le bon fonctionnement de ces services. Il faut entrer sous les hangars vitrés du môle D pour se rendre compte de ce que mange un corps expéditionnaire, de ce qu’il