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L’ALSACE-LORRAINE À LA VEILLE DE LA DÉLIVRANCE.

Il est vrai que, même chez quelques-uns de nos transfuges, les derniers événemens de la grande guerre ont opéré des miracles. J’en connais, et des plus notoires, qui, après nous avoir créé pendant des années les pires embarras, par leur zèle de néophytes du germanisme, s’épuisent maintenant en protestations d’amour pour la France. Pour ma part, loin de m’en indigner, je m’en réjouis sincèrement, car, de cette conversion subite et quelque peu indiscrète, je tire les conclusions les plus consolantes. Tertullien disait jadis que l’âme est naturellement chrétienne. De même j’affirmerai, en voyant nous revenir tous ces anciens résignés, que l’âme alsacienne-lorraine est naturellement française. Les ralliés, dont l’Allemagne s’enorgueillissait, n’étaient donc allés à elle que par crainte ou par intérêt. Dès qu’ils se sont sentis libérés de leurs faiblesses par la victoire française, ils ont retrouvé, dans leur subconscient, les vieilles inclinations natives.

Je me hâte d’ajouter que mes compatriotes, dans leur imposante majorité, n’ont pas eu à procéder à cette évolution tardive, parce qu’à aucun moment ils n’ont connu les mêmes défaillances.

Les Allemands, qui savaient à quoi s’en tenir sur la signification du mouvement autonomiste, ne cessaient de nous traiter de verkappte protestler (de protestataires masqués). Pendant toutes nos campagnes électorales les journaux officieux ou les Allemands qui assistaient à nos réunions publiques nous posaient toujours la même question :

— Acceptez-vous le traité de Francfort ?

Notre réponse était également toujours la même :

— Nous n’avons pas à accepter ou à renier individuellement un traité passé, sans que nous ayons été consultés, entre l’Empire germanique et la République française. Ce traité nous a fait Allemands, nous ne le savons que trop. Voulez-vous savoir si la population alsacienne-lorraine est satisfaite de son changement de nationalité ? Consultez-la en un plébiscite loyal. Quant à l’avenir, il appartient à Dieu. Il n’est pas en notre pouvoir d’en disposer à notre gré.

Je tiens à bien souligner ici que même les candidats ralliés au régime allemand s’abstenaient, avec le plus grand soin, de porter la lutte électorale sur le terrain national, tant ils étaient sûrs qu’à vouloir faire consacrer par un vote populaire l’occu-