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REVUE LITTÉRAIRE

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NOUVEAUX ESSAIS DE THÉODORE DE BANVILLE[1]

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C’est une pieuse et charmante idée qu’a eue M. Victor Barrucand d’aller chercher dans la collection de vieux journaux, — le National, le Dix Décembre, le Pouvoir, le Paris, l’Artiste, le Nain jaune, — les articles qu’y donnait, jetait et perdait le poète des Exilés. Sans doute faudra-t-il qu’un service pareil soit rendu à la renommée de quelques autres écrivains qui, de même que Banville et plus que lui, ont subi l’obligation de gaspiller ainsi leur génie ou leur talent. Génie ou talent gaspillé, dira t-on, ce n’est rien ? C’est au moins une pathétique aventure ; et l’occasion de rêver assez tristement sur les conditions nouvelles de la littérature et de la poésie. Le « métier de faire un livre » devient, pour beaucoup d’écrivains, le passe-temps, les vacances, la récompense d’un lourd labeur quotidien, depuis que les arts divers ont à payer de maintes servitudes la lierté de leur indépendance. Le protecteur des lettres aujourd’hui, le mécène, le grand seigneur opulent et capricieux, — le public, — a de l’exigence ; et l’on ne s’acquitte pas, auprès de lui, avec une flatteuse dédicace : il veut de la copie, et tous les jours.

Les conditions nouvelles de la littérature ont eu, comme tous changemens humains, des conséquences bonnes ou non, des conséquences de vertus et de vices. Laissons les vices ; on ne les voit que trop : jamais un grand seigneur d’ancien régime n’a été flagorné à la première page d’un livre au point où l’est maintenant le public, et tout

  1. Critiques, par Théodore de Banville, choix et préface de Victor Barrucand (Bibliothèque-Charpentier) ; du même auteur, Mes Souvenirs, Lettres chimériques, Paris vécu, — « Petites études, » — (même éditeur).