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le peuple allemand ; aussi M. Michaelis est-il pour le moins maladroit de railler lourdement « l’impuissance américaine, » comme si la guerre ne contenait pas, ne commandait pas et ne conditionnait pas l’après-guerre. La grande terreur de l’Allemagne industrielle et commerçante, sa blessure mortelle, on la voit bien. Elle ne lui permet point de sourire d’une quatorzième ou quinzième déclaration de guerre, non pas des États-Unis, mais du Siam. Les contradictions qui embrouillent la harangue du Chancelier tiennent à ce qu’il était obligé de faire parler dans la même phrase Hindenburg, Ludendorff, et les Stumm, les Thyssen, les Siemens, les Ballin ; la Prusse et la Hanse, la gloire et la marchandise ! Mais ce langage, qu’est-ce en somme ? Est-ce la motion Scheidemann-Erzberger ? la motion de la majorité ? Pas absolument. Est-ce le contraire ? Pas davantage. Ce n’est pas elle dans la forme, et, au fond, c’est elle. Ce n’est pas elle dans le ton, et c’est elle en son essence. C’est la guerre, et ce n’est pas la guerre. Ce n’est pas la paix, et c’est la paix. « Nous ne pouvons pas offrir la paix encore une fois. Mais avec le peuple entier, avec l’armée allemande et ses chefs, qui sont d’accord sur cette déclaration (qu’on ne s’y trompe pas : cette incidente est la proposition principale de tout le discours), avec l’armée allemande et ses chefs, — avec le Kronprinz, avec Hindenburg, avec Ludendorff, eux-mêmes, — le gouvernement estime que, si les ennemis veulent revenir de leurs idées de conquêtes, de leurs projets d’anéantissement, nous écouterons loyalement et prêts à la paix ce qu’ils ont à nous dire. » En d’autres termes : « Nous ne demandons pas la paix, nous ne l’offrons pas ; mais nous demandons qu’on nous l’offre. » Faut-il serrer les mots de plus près, en mettre au jour le sens caché ? Hindenburg ne croit plus à la victoire du sous-marin, Tirpitz ne croit plus à la victoire de l’armée, le gouvernement ne croit plus à la victoire de l’un ni de l’autre. Le peuple n’y croit désormais que par habitude de croire. L’Allemagne veut peut-être encore la guerre, mais l’instant approche où elle ne pourra plus que la paix. Mais ses attaques réitérées, ses coups de bélier à l’Est et à l’Ouest ? Oui, militairement, dans le présent, elle peut encore la guerre ; mais politiquement, économiquement, pour son avenir, elle ne pourra bientôt plus que la paix. C’est pourquoi elle nous invite à parler ; et c’est pourquoi il faut nous taire. C’est sous ce signe et sous ces auspices que doit s’ouvrir la Conférence des Alliés.

Pendant que l’Empire allemand avait sa crise, la Révolution russe a eu ses Journées de Juin. Les ministres prussiens, qui devaient partir.