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acceptèrent. Je sus plus tard que notre riche compatriote leur avait distribué des terres et qu’ils étaient devenus colons. Je pense qu’ils ont renoncé à toute idée de retour dans leur patrie. Lorsque la guerre éclata, j’étais dans une usine de moteurs et j’ai suivi d’assez près le sentiment des Roumains en faveur des Alliés. Enfin, quand la Roumanie entra dans la coalition contre l’Allemagne, je m’engageai dans l’armée roumaine. Mais, dès que la Révolution eut éclaté en Russie, je demandai et obtins l’autorisation de quitter l’armée pour revenir dans mon pays. »

Depuis longtemps on se demandait aussi où avait été enterré l’Amiral rouge exécuté après la révolte avec quelques-uns de ses compagnons. L’endroit était tenu soigneusement secret dans la crainte que les libéraux n’en fissent un but caché de pèlerinage. Même après la révolution et malgré les recherches entreprises, il était difficile de le découvrir. Enfin, grâce à des indications fournies par des agens de l’ancien régime, on apprit que l’inhumation de l’Amiral rouge et de ses marins avait eu lieu dans une petite ile déserte de la Mer Noire, non loin, dit-on, de la ville d’Otchakoff. Les corps ont été exhumés et transportés en grande pompe à Sébastopol. Le fils de l’Amiral a reçu à cette occasion un télégramme du gouvernement provisoire.

Sur la proposition de M. Feldmann, un des marins du Potemkine, condamné à mort et qui vient de rentrer en Russie après un long exil en France, toute l’assemblée réunie au meeting de Tchernomore se lève afin d’honorer par cet acte la flotte rouge de la Mer Noire, l’Amiral et les marins morts avec lui.

« La flotte de la Mer Noire, déclarent tour à tour les orateurs, a toujours été avec le peuple et a dès longtemps exprimé ses exigences : la terre et la liberté ; la Constituante et la République. Les Tchernomore ont juré de donner leur vie pour la liberté. Volontairement, la flotte s’est soumise à une forte discipline. Elle veut la paix, mais non pas une paix qui laisserait les peuples asservis et humiliés. Le peuple russe, en lutte pour la liberté de l’humanité, ne doit ni rester en arrière de ses alliés, ni leur laisser porter seuls le poids de cette terrible lutte.

« Le paysan a droit à la terre, mais il doit la recevoir de l’Assemblée Constituante et non pas procéder lui-même à la distribution. Le devoir des ouvriers exige qu’ils remettent après