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présenter les quartiers d’une même ville. Vassiliewsky-Ostroff, par exemple, est plein de choses imprévues. Le quartier s’étend sur un vaste territoire en partant des quais de la Neva. Il y a là une population variée, beaucoup d’ouvriers, mais non pas des spécialistes ni des techniciens. Ce sont pour la plupart des petits artisans, et aussi des petits fonctionnaires. On y vit décemment mais chichement. Néanmoins, parmi ce simple peuple qui n’a rien du bourgeois, c’est le parti des Cadets qui l’emporte. Personne en France n’ignore plus que le parti des Cadets est à Pétrograd celui de l’ordre et qu’il a pour chef l’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Milioukoff. La sagesse est d’en souhaiter le triomphe dans les élections prochaines.


KÉRENSKY ET LÉNINE FACE A FACE

C’est au Congrès des députés des travailleurs que Kérensky doit prononcer aujourd’hui un discours. Longtemps avant l’heure, la salle est comble. Il y règne cette atmosphère de mystérieuse attente, prélude de l’enthousiasme qui soulève, chaque fois, les foules russes à la parole du grand tribun. Des yeux ardens se fixent vers l’entrée comme si, déjà, sa silhouette s’y projetait en fluide de lumière.

Dès le début, la séance prend une allure extraordinaire et passionnée. Le ministre Tsérételli est à la tribune. Il y expose la difficulté d’établir le pouvoir sur des bases durables : « Une lutte ardente, dit-il, se manifeste en Russie pour l’exercice du pouvoir, et, en même temps, il ne se rencontre aucun parti politique qui veuille en assumer la responsabilité.

— Si, il y en a un, crie une voix.

C’est Lénine qui se fait entendre. Il est assis dans les premiers rangs avec sa femme, Kroupskaïa, et quelques leaders du maximalisme.

— Je n’en doute pas ! camarade Lénine, riposte Tsérételli.

Ce bref échange de paroles produit sur le public l’effet des premières banderilles lancées par le toréador. Son attention est surexcitée. Il pressent la lutte prochaine.

— On cherchait à former une majorité, reprend Tsérételli, mais en même temps on faisait tout pour entraver le pouvoir. On reproche au ministère d’être formé de capitalistes. Les