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par les regards admirateurs et passionnés de la foule. Il le sait. Il le sent. Il y a entre lui et l’âme profonde de la démocratie russe une constante et merveilleuse communion. Sous l’apparence calme, sous les dehors presque froids de cet avocat devenu tribun, bouillonnent tous les enthousiasmes, toutes les pitiés, toutes les aspirations d’un peuple enfin libéré. Jamais homme ne trouva si bien les chemins qui mènent au cœur des foules ; jamais foule ne rencontra un homme en qui si parfaitement s’incarner. La Russie révolutionnaire, ce n’est pas la poignée léniniste, hurlante et destructive, c’est la multitude que représente celui qui marche à cette tribune avec la ferme attitude d’un lutteur pour la vérité.

— M. Lénine, remarque Kérensky, a oublié qu’un marxiste qui propose de tels remèdes au mal social n’est pas digne d’être appelé socialiste, car les procédés qu’il préconise sont précisément ceux des pires despotes asiatiques. M. Lénine a oublié qu’à notre époque l’arrestation en masse des capitalistes est « le sabotage » des lois du développement économique. (Se tournant du côté des maximalistes : ) Quels remèdes vous faut-il encore en dehors de l’arrestation des capitalistes et de la séparation de la Finlande et de l’Ukraine ? La fraternisation ? Il faut le dire à son honneur : la démocratie russe a, en majeure partie, rejeté ce moyen de lutte sociale. Si nous nous engagions dans cette voie, nous devrions convenir que le plus grand lutteur pour les idées démocratiques est Léopold de Bavière, qui soutient dans son manifeste les mêmes principes que certains socialistes russes… Qui donc dispose des armées allemandes ? Sont-ce les camarades du citoyen Lénine ou ces capitalistes que vous proposez d’arrêter, et comment se fait-il que votre politique de fraternisation soit si étrangement d’accord avec la ligne de conduite de l’état-major allemand ?…

« La voie dans laquelle vous voulez entrer est celle de la destruction. Prenez garde ! Du chaos, comme un phœnix de ses cendres, sortira un dictateur, — pas moi ! malgré que vous fassiez tout ce qu’il faut pour me pousser à la dictature. Vous ouvrez les portes au véritable dictateur et qui vous montrera comment les capitalistes se comportent avec les socialistes !…

« Vous dites que dans la lutte tous les moyens sont bons…

— Ce n’est pas vrai ! crient les bolché-wiki.