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Le drame lyrique japonais
Le Nô


M. Gaston Migeon, dans le charmant ouvrage qu’il a publié, en 1908, sur le Japon, au retour de ce qu’il appelait ses « promenades aux sanctuaires de l’Art, » a, le premier peut-être, osé mettre en sa place, c’est-à-dire à la première, la grande école de sculpture japonaise du Xe au XIIIe siècle, qu’il compare tout simplement aux grandes écoles de l’Égypte, de la Grèce, de l’Italie, de la France. — Un rang égal pourrait être sans doute légitimement attribué aux écoles de peinture japonaises du IXe au XVe siècle qui, dans la peinture religieuse, le paysage et le portrait, inspirées des maîtres chinois, forment une suite comparable aux œuvres de la première Renaissance italienne et française. — Mais il est une autre manifestation de l’art japonais qui soutient la comparaison avec les plus illustres modèles de l’art grec ou de l’art français : et c’est, malgré la différence absolue des traditions, des sujets et de certains modes d’expression, le théâtre que je veux dire, et, dans ce théâtre, une forme de drame lyrique, avec musique instrumentale et vocale, déclamation et danse mimée, le Nô, qui, par l’inspiration religieuse dont elle émane, par la beauté de l’exécution, par l’influence exercée sur la vie intellectuelle et morale de la nation, peut être sans paradoxe assimilée à la tragédie grecque du siècle de Périclès ou à la tragédie française du XVIIe siècle.