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temples, le culte des ancêtres et des héros, se joignit, comme dans les « Mystères, » une action, très simple au début, et dans laquelle n’intervenaient, de même que dans la tragédie grecque, que deux personnages, deux rôles, le « shite » (exécutant), à la fois chanteur et danseur, personnage principal, sur lequel repose la pièce, et le « waki » (adjoint), qui donne la réplique ou prépare la scène. Le « shite » et le « waki, » les deux personnages uniques de l’action, sont comme le protagoniste et le deutéragoniste du théâtre grec, comme le héros principal et le confident de la tragédie française. Toute l’action est concentrée et ramassée en eux. Lorsque, plus tard, dans le Nô apparurent des personnages accessoires, par lesquels l’action se compliquait et s’animait, ces personnages ne furent cependant considérés et désignés que comme des adjonctions ou doublures (« tsure ; >) soit du « shite, » soit du « waki. » En réalité le Nô, dans son essence, ne comporte que le personnage en qui s’incarne et se résume l’action, et celui qui lui donne la réplique et se trouve sur la scène avec lui pour que l’action puisse apparaître et n’être pas réduite à un monologue. Encore dans le Nô l’action n’affecte-t-elle pas le caractère qu’elle a peu à peu revêtu dans la tragédie grecque et la tragédie française. Elle demeure confinée dans deux modes d’expression : la déclamation lyrique et la danse mimée. Elle ne s’éloigne jamais à cet égard de son origine religieuse et du type quasi sacré auquel elle appartient.

La cérémonie religieuse primitive se composait de musique, surtout instrumentale, et de danse hiératique[1]. Le Nô, en conservant la musique instrumentale et la danse, ajouta la déclamation lyrique et le chœur. Dans les premières œuvres, la musique instrumentale et la danse, ainsi qu’il est naturel, étaient la partie encore. la plus développée et, en quelque sorte, essentielle de la représentation. La déclamation lyrique et le chœur ne prirent que graduellement l’importance qu’ils finirent par acquérir, la danse restant, surtout pour la crise du drame et le dénouement, le mode principal d’expression. — Après une première période assez longue, c’est aux

  1. L’ancienne musique (Bugaku) et la danse, originaires de l’Inde, de la Chine et de la Corée, ont dû, comme le pense le critique japonais Okakura (Rakuzo), avec les ballades épiques de l’époque de Kamakura et les scènes ou « mascarades » infernales de la période des Fujiwara, concourir à la formation des Nô.