Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fukakusa, tombe elle-même dans l’abandon et la misère, est contrainte à mendier, et expie par la folie les fautes qu’elle a commises.

Le principal personnage, le « shite, » est la poétesse elle-même, Ono ne Komaclii. — Des moines bouddhistes du monastère du Koyasan, qui font un pèlerinage aux sanctuaires bouddhistes et shintoïstes, rencontrent dans le bois de plus d’Abeno, du pays de Settsu, une vieille mendiante qui, lasse, s’est assise sur ce qu’elle a cru n’être qu’un tronc d’arbre mort, mais qui, comme les moines le découvrent, est un « stupa, » à savoir une sculpture de bois où sont représentés par étages successifs, selon la doctrine bouddhique, les cinq symboles dans lesquels se résument les cinq élémens du monde matériel, le cube (terre), la sphère (eau), la pyramide quadrangulaire (feu), la demi-sphère (vent), enfin le joyau classique figurant l’espace. Le « stupa » est, dans la doctrine bouddhique, en même temps que la représentation du monde matériel, l’image du monde de la connaissance : il est ainsi, surtout pour la secte Shingon, à laquelle appartenaient les moines, auteurs des Nô, le corps et l’âme de Bouddha lui-même. Or, non seulement la vieille mendiante n’a pas craint de s’asseoir sur le « stupa, » mais, dans sa vie passée, dans sa jeunesse coupable, la plus grande faute et cruauté qu’elle a commise, alors qu’elle était la poétesse Komachi, c’est d’avoir, pour éprouver le général de Fukakusa, son amant, exigé de lui qu’il vint passer cent nuits de suite sur un escabeau de bois, l’escabeau sur lequel étaient posés les brancards de son char, à l’endroit où d’ordinaire le général venait la voir et lui parler. Le général était venu, se soumettant à l’épreuve, coucher quatre-vingt-dix-neuf nuits sur l’escabeau du char. Mais, à la veille de la centième, il mourut subitement. Et, depuis ce temps, la fortune de Komachi s’est changée. Elle a connu, à son tour, l’épreuve de la misère. Ce n’est pas vainement que le « stupa » sur lequel maintenant elle vient de s’asseoir est comme l’évocation de l’escabeau sur lequel le général qui, après chaque nuit, inscrivait le chiffre des nuits écoulées, n’a pu inscrire la centième.

Le dialogue s’engage entre les moines pèlerins et la vieille femme, qui n’est autre que Komachi. Les moines lui reprochent d’avoir profané le « stupa » et de méconnaître ainsi l’enseignement de Bouddha. A quoi la vieille mendiante, dans des