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des secousses. Le soir venu, la fatigue est douloureuse. Le médecin en reçoit la confidence, qui lui permet de faire une remarque intéressante. Quand il a soigné, conseillé, consolé, s’il ajoute quelques félicitations sur la beauté de l’effort et le profit des résultats, aussitôt l’attitude se redresse et le visage superbement s’éclaire.


La paysanne a le droit d’être fière. D’ailleurs l’admiration ne lui est pas marchandée. Quelques-uns trouvent même qu’on l’exagère et en donnent d’assez pauvres raisons. Un article récent sur le féminisme, écrit par une femme, se montre sévère pour les paysannes, qui labourent en maugréant et du même coup emplissent leurs greniers. Il semble pourtant que les plaintes, arrachées par la douleur du corps, méritent quelque indulgence… surtout féminine, et le blé des greniers profite à tout le monde, force précieuse qui travaille à la victoire. N’oublions pas qu’il s’agit des femmes sans culture : ceux qui ont le privilège d’en avoir se doivent montrer moins sensibles à la croûte extérieure et grossière des choses qu’à leur valeur et vérité profondes.

Un autre reproche plus fin est quelquefois entendu. « Oui, les paysannes travaillent beaucoup et durement, mais sans sortir de leurs maisons, de leurs habitudes, de leurs tâches coutumières, tandis que tant d’autres femmes ont tout quitté pour l’œuvre de guerre, qui leur a imposé des besognes inattendues. » Rien de plus beau que l’œuvre de guerre de la femme française, où les filles des plus hautes aristocraties — science, naissance, fortune — se rencontrent et communient dans un admirable effort avec leurs sœurs les plus humbles, ouvrières et paysannes. On y voit bien des doigts délicats se dévouer à des travaux grossiers qu’ils ne connaissaient pas. Il est vrai. Mais entendons bien que la nouveauté d’un travail n’augmente pas forcément le mérite de celui qui le fait.

Les trois sociétés de la Croix-Rouge ont couvert le pays de leurs hôpitaux, foyers lumineux de tendresse humaine, qui nous reposent de l’horreur de la guerre, et pu le cœur de la femme fait des prodiges pour calmer et éteindre la souffrance de nos soldats. Les infirmières s’y partagent naturellement en deux groupes, celui des salles, chargé de tous les soins directs donnés