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pensée et veille la méditation solitaire. Oserons-nous avancer qu’il est possible que la pensée se soit d’elle-même fixée et que la méditation ait d’elle-même abouti à cette conviction qu’il faut, dans l’intérêt de l’Eglise, qu’il reste, au lendemain de la guerre, une grande puissance catholique, qui soit ce que la France a été des siècles durant, et ce que la contagion de sa politique intérieure, au rebours de son histoire et de ses traditions, l’empêche seule de continuer d’être. De là le souci de ménager l’Autriche qu’on a pensé entrevoir dans la Note, et qui n’a même pas eu besoin de lui être suggéré, qui est sans doute, ou peut-être, spontané. Mais cet acte du Pape, s’il a été spontané, n’est pas moins important que s’il eût été suggéré ; il ne perd point de sa signification ; on serait tenté de dire : au contraire. Fait sans invitation, il ne l’a pas été sans renseignemens, et la vérité n’en éclate que mieux dans sa sincérité. De toute façon, il demeure le témoignage le plus instructif, un document révélateur, sur la situation des Empires du Centre.

Des deux parties dont se compose le texte, la première, qui peint les horreurs de la guerre et les bienfaits de la paix, quoiqu’elle affirme avec insistance une « impartialité » dont nous avons souffert, porte l’empreinte de l’autorité spirituelle, et nous y adhérons d’un respectueux assentiment. Dans la seconde sont les propositions concrètes : le Pape lui-même dit d’elles : « concrètes et pratiques ; » nous allons les examiner comme si elles émanaient du roi d’Espagne ou de la Confédération helvétique, ou de la reine de Hollande, ou d’un des États Scandinaves, d’un neutre bienveillant et bien intentionné, d’un prince temporel à qui il serait doux d’apparaître à la fin de l’affreuse tragédie sous le manteau du pacificateur, pour la dénouer sans y avoir été mêlé, et participer, entre les survivans, à l’arrangement qui réglera les comptes ; quelque chose d’analogue au rôle qui échut, il y a deux siècles et demi, à la République de Venise, pour la préparation de la paix de Westphalie. « Concrètes et pratiques, » ces propositions, au surplus, ne sont pas données comme « précises et complètes; » ce sont des points de repère, des jalons, des pierres d’attente ; telles semblent au médiateur bénévole devoir être les bases d’une paix « juste et durable » sur lesquelles sont invités à se mettre d’accord les gouvernemens et les peuples belligérans.

Tout d’abord, le point fondamental doit être qu’à la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit, avec, pour conséquences du désarmement partiel et proportionnel, l’institution de l’arbitrage obligatoire, sous des règles, des garanties et des