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qu’on appela Mont-Royal. Celle place était loin au Nord de Sarrelouis, dans la principauté de Veldenz, dont la réunion avait aussi été décrétée par le Parlement de Metz. « Ce poste, disait Louvois, mettra les frontières du Roi en telle sûreté, et les Electeurs de Cologne, de Mayence et le Palatinat en telle dépendance, que cette frontière sera meilleure et plus aisée à défendre que n’est celle de Flandre. »

Enfin, Vauban alla, en 1688, construire, par ordre du Roi, dans une île du Rhin lui-même, Fort-Louis, à quarante kilomètres de Strasbourg, pour couvrir l’embouchure de la Moder[1]. Malheureusement, au traité de Ryswick en 1696, qui marque le premier échelon de la décadence du grand règne, Louis XIV dut rendre Luxembourg, Mont-Royal et la Lorraine à son duc. Il garda toutefois Landau et Sarrelouis, deux places bien situées pour fermer cette fameuse trouée d’entre Vosges et Moselle qui, si souvent, a donné accès sur Paris par la vallée de la Marne. Toutefois, par suite de ces rétrocessions, Sarrelouis perdit beaucoup de l’importance stratégique qu’on avait voulu lui donner. Elle devenait purement un avant-poste isolé sur la frontière.

Dans la dernière période du grand règne, elle eut cependant à jouer efficacement son rôle de place protectrice. En janvier 1703, une petite troupe de l’armée de Câlinât, commandée par Desmoulins, s’étant trouvée entourée de 400 hussards du prince de Bade, lit une belle retraite jusqu’à Sarrelouis, où elle rentra n’ayant perdu que quatre hommes : sans la place, elle eût infailliblement succombé[2].

Après notre défaite de Hochstett, le 20 septembre 1703, les Impériaux s’étant emparés de Landau vinrent menacer les places de la Sarre et de la Moselle. « Leur projet était, dit Saint-Simon, de prendre l’Alsace a revers ; de tomber sur les Trois-Evêchés, et de là, plus avant dans la France. » Villars le fit échouer, grâce à la place de Sarrelouis qui lui permit de s’appuyer sur la Sarre pour protéger son camp installé à Sierck sur la Moselle. Dans cette position, il paralysa tous les efforts du prince de Bade et tint en échec Marlborough lui-même. Le danger d’invasion de la France fut conjuré.

Comme le traité de Ryswick, la paix d’Utrecht (1713) nous

  1. Allent, Histoire du corps du Génie ; Georges Michel, Histoire de Vauban, p. 140.
  2. Gazette de France du 17 février 1703,