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Prussiens de leur voisinage, accueillirent sans sourciller cette éventualité fatale, occasion d’une revanche. Dès que Napoléon fut arrivé à Paris, l’ordre fut envoyé aux autorités de Sarrelouis d’armer la forteresse et de la mettre en état de défense ; d’y emmagasiner, pour 2 000 hommes, trois mois de vivres prélevés dans la contrée ; chaque habitant dut aussi se pourvoir de nourriture pour le même laps de temps. On réorganisa la garde nationale ; sous l’impulsion du général Jean Thomas on prépara tout avec ordre et une patriotique ardeur comme pour un siège imminent. Les troupes qui allaient défendre la place se composaient de deux régimens d’infanterie, les 55e et 68e de ligne, de deux régimens de cuirassiers, des pompiers, gendarmes et douaniers, de 1 500 à 1 600 hommes des gardes nationales des départemens des Vosges et de la Moselle.

On était prêt à recevoir l’ennemi de pied ferme, lorsque, le 23 juin, parvint à Sarrelouis la nouvelle du désastre de Waterloo survenu cinq jours auparavant. Dès le lendemain, 24 juin, les premières troupes alliées se présentèrent pour menacer la ville. A leur grande stupéfaction, elles trouvèrent les Sarrelouisiens, dont le courage n’était nullement ébranlé par les nouvelles alarmantes qu’on répandait, décidés plus que jamais à défendre énergiquement la place. Ils tinrent bon, envers et contre tous, même après le départ de Napoléon pour Rochefort et la seconde restauration de Louis XVIII.

Le lieutenant général baron de Diebitsch, chef d’état-major de l’armée russe, écrit, à la date du 1er juillet 1815, « à M. le maréchal de camp, baron de Thomas, commandant la forteresse de Sarrelouis, » pour l’assurer, dit-il, « que les intentions de l’Empereur, son auguste maître, n’ont rien d’hostile ni contre la France, ni contre les Français, » et pour l’inviter à rendre la place. Le général Thomas répond :

« Général, je ne puis dissimuler que le contenu de la lettre que vous me faites l’honneur de m’écrire m’afflige. En officier général, qui connaît les devoirs que lui imposent les lois de l’honneur, vous devez penser que je n’ai d’autre réponse à vous faire que de vous assurer que je défendrai la place qui m’est confiée jusqu’à la dernière extrémité. »

Un ancien émigré français, le général de Langeron, « général en chef au service russe, » écrit de Sarrebrück, le 5 juillet 1815, au général Thomas :