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n’avaient pas magnifiquement témoigné de leur attachement à la France, leur patrie héréditaire, avec une énergie que leur sang versé pendant la guerre n’avait fait que cimenter ? La France d’aujourd’hui peut-elle renoncer à ses droits séculaires parce qu’en un jour de malheur ils ont été méconnus par un abus de force ? Et parce que ces événemens se sont passés il y a cent deux ans, les Prussiens ont-ils donc cessé d’être des oppresseurs étrangers dans une ville française ? Ils avaient dit et répété, avec leurs alliés d’alors, qu’ils ne faisaient pas la guerre à la France, mais à un homme, à l’empereur Napoléon. Ils s’étaient, engagés envers le roi Louis XVIII à respecter l’intégrité territoriale de la France, telle qu’elle avait été fixée par le traité du 30 mars 1814. Le plénipotentiaire russe Capod’Istria déclare au nom de l’empereur Alexandre, le 28 juillet 1815 :

« Les Puissances alliées, en prenant les armes contre Bonaparte, n’ont point considéré la France comme un pays ennemi. (Déclaration du 13 mars ; traité du 25 mars ; déclaration du 12 mai.) Maintenant qu’elles occupent le royaume de France, elles ne peuvent donc y exercer le droit de conquête. Le motif de la guerre a été le maintien du traité de Paris, comme base des stipulations du congrès de Vienne… »

Les diplomates prussiens déchirent, dès cette époque, sans scrupule d’aucune sorte, leurs engagemens écrits et ce traité de Paris. Ils exigent et obtiennent du Congrès qu’on leur livre les deux places fortes françaises de Sarrelouis et de Landau. Ces faits sont dans toutes les mémoires, aussi bien que les énergiques et douloureuses protestations de notre représentant, le duc de Richelieu.

Avec Sarrelouis, quinze communes de son canton nous furent enlevées, si bien qu’à partir de 1815, la ligne frontière, en Lorraine, passa désormais entre Sarrelouis, livrée à la Prusse, et Bouzonville (aujourd’hui Busendorf) qui nous fut laissé, ainsi que Sierck au Nord, Sarreguemines, Bitche, au Sud. La région de la Sarre fut, encore une fois, arbitrairement dépecée et morcelée pour satisfaire les appétits de barbares envahisseurs, en mépris des engagemens diplomatiques contractés envers le roi de France, et sans égard pour les vœux, les protestations, les intérêts des populations. En cette circonstance, les Prussiens poursuivirent un double but : désarmer la France et la réduire à l’impuissance en déchiquetant sa frontière, et, d’autre part,