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Empire, les frères Sellier, de Sarrelouis. Ils étaient sept : tous s’engagèrent dans la cavalerie et parvinrent à différens grades d’officiers : tous les sept furent tués sur les champs de bataille. Les fastes de Phalsbourg seuls pourraient être mis en parallèle avec ceux de Sarrelouis. Peut-on, après cela, s’étonner de l’irréductible fidélité des Sarrelouisiens à la France ? La France a-t-elle aujourd’hui le droit de les abandonner ?

Avant les événemens de 1870, les souvenirs français étaient encore vivaces dans la plupart des régions de la Rhénanie. Ils paraissaient même s’y raviver avec les bruits de guerre. On connaît la réponse de l’empereur Guillaume Ier à l’un de ses conseillers qui s’étonnait de la lenteur de la germanisation en Alsace-Lorraine : « Les Français n’ont occupé la province rhénane que pendant vingt ans, et, après soixante-dix ans, leurs traces n’y sont pas effacées. »

En 1872, un habitant notable du Palatinat, parlant de la guerre de 1870, disait à Edmond About : « Quant à nous, nous étions trop prêts à devenir Français dans le Palatinat ; c’était une affaire arrêtée. Nous ne le désirions pas, mais on se serait résigné : c’est la guerre. Est-ce que nous nous sommes fait prier sous le premier Empire ? Avons-nous fait des simagrées ? Napoléon nous avait battus et conquis : nous sommes devenus Français, très bons Français ; et même le goût de la France nous est resté assez longtemps encore, après 1815[1]. » Nous pourrions citer de nombreux témoignages des sentimens francophiles des vieux Mayençais, encore à cette époque. Mais, plus que partout ailleurs, à Sarrelouis dont les origines étaient purement françaises, les habitans, tout en s’inclinant devant la force, n’avaient pas cessé de se considérer comme Français et de vivre dans l’espoir d’être bientôt délivrés du joug prussien. On le vit bien lors des manifestations francophiles qui éclatèrent spontanément à l’occasion de la célébration du deuxième centenaire de la fondation de la ville, en juillet 1880.

Un Sarrelouisien, M. Georges Calcer, qui écrivit en allemand — il signe, en allemand, Baltzer, et en français Balcer, — une histoire de sa ville natale, et qui finit par préférer l’exil à l’intolérable régime prussien, adressa, en 1802, c’est-à-dire

  1. E. About, L’Alsace, p. 140.