Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lation de cet art prodigieux… Jamais aucun autre artiste n’est apparu à ses contemporains plus entièrement différent du reste des hommes, revêtu d’une puissance et d’un attrait plus parfaitement surhumains. » Ainsi s’explique ce culte pour Wagner où il faut voir l’espérance d’un nouvel ordre de choses. De même en est-il de l’engouement pour les romanciers russes qui restituaient dans la peinture des actions humaines l’étude des motifs mentaux, l’analyse psychologique. Par là encore se légitime la tentative des symbolistes soucieux de réintégrer, dans la poésie, la musique et le rêve, d’instaurer une poésie plus libre, plus légère, plus soluble dans l’air… Ces tendances, plus ou moins obscures chez les hommes de sa génération, sont à l’état réfléchi chez Wyzewa qui, avec sa claire intelligence, les a désormais précisées pour en faire les idées dont il s’inspirera dans toute son œuvre.



La première de ces idées et qui contient toutes les autres, consiste à opposer le sentiment à la raison, le cœur à l’intelligence, pour préférer à l’aridité, sinon à la vanité de la connaissance intellectuelle, les divinations du cœur. L’humanité se partage en deux camps. « Les uns croient sans cesse plus aveuglément dans la raison humaine, dans la science, dans ce qu’on appelle la vérité ; et les autres comprennent sans cesse davantage que la raison est stérile, la science chimérique et que l’unique vérité est dans le cœur des hommes. » Wyzewa est de ceux-ci. Est-il besoin de dire qu’il ne conteste à la science rien de ce qui est de son domaine, pas plus dans l’ordre de la spéculation que dans celui des applications pratiques ? Disons-le pourtant, afin que nul ne puisse s’y méprendre et ne soit tenté de déplacer la question. Mais la science ne saurait nous donner ce qu’elle ne possède pas, que ce soit l’explication dernière des choses ou que ce soit une règle de conduite. « Pas plus par la philosophie que par la science, l’esprit humain n’atteindra jamais le mystère des choses ; car les choses ne sont pas destinées à être comprises, mais à être senties et aimées. C’est par nos sens et par notre cœur, nullement par notre raison, que nous entrons en contact avec la nature éternelle. » Certaines vérités prétendues scientifiques ont ce premier défaut, qu’elles manquent de vérité ; mais en outre, elles ne sont