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L’AUTONOMIE DE L’ALSACE-LORRAINE.

primus inter pares, le président d’une association dont tous les membres sont égaux. Ses seules prérogatives (elles sont d’ailleurs considérables) sont les suivantes : il déclare la guerre et signe les traités de paix, il est le chef suprême de l’armée et de la marine, il nomme et révoque les représentans de l’Empire à l’étranger. Seule la Bavière s’est réservé le droit d’avoir des légations, à elle, auprès des autres puissances.

En opposition avec cette situation privilégiée des États autonomes, l’Alsace-Lorraine était « pays d’Empire, » c’est-à-dire propriété collective des États, au même titre que les colonies allemandes. C’étaient le Bundesrath et le Reichstag qui seuls pouvaient, théoriquement, légiférer sur son territoire. Et de fait, pendant les premières années qui suivirent l’annexion, l’Empereur promulguait pour nos provinces des décrets-lois, que le Conseil fédéral et le parlement d’empire enregistraient.

La loi constitutionnelle de 1879 ne fit que confirmer légalement cet état de fait. Elle déléguait à l’Empereur l’exercice des pouvoirs souverains en Alsace-Lorraine ; mais du même coup elle maintenait dans leur intégralité les attributions du Bundesrath, qui, comme pour les lois d’empire, approuvait les lois de l’Alsace-Lorraine avant leur dépôt et après leur adoption par le Landesausschuss (Parlement des provinces annexées). Cette dernière assemblée ne pouvait voter le budget et les lois particulières du pays qu’en vertu d’une délégation toujours révocable du Reichstag. Elle était, à proprement parler, un sous-Reichstag pour l’Alsace-Lorraine. Cela est tellement vrai que le chancelier pouvait, à tout moment, en appeler du Landesausschuss au Reichstag, comme il le fit pour la loi sur les maires de carrière.

L’Alsace-Lorraine était donc bien, sous ce régime (1879-1911), une véritable colonie allemande pourvue d’une représentation nationale à droits limités, mais administrée par la collectivité des États autonomes allemands.

L’Empereur avait de plus étendu abusivement son pouvoir. Alors qu’il lui est interdit d’intervenir dans la législation de l’empire allemand autrement que par les « instructions » qu’il donne, comme roi de Prusse, à ses 17 délégués du Conseil fédéral, il s’était pratiquement, en Alsace-Lorraine, arrogé le droit de veto qui s’affirmait, soit avant ou après l’adoption, soit, par retrait arbitraire, pendant la discussion de nos lois particu-