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L’AUTONOMIE DE L’ALSACE-LORRAINE.

Et d’abord la loi constitutionnelle de 1911 avait un caractère de précarité qui, pour nous, lui enlevait toute valeur. Elle était et restait une loi d’empire, et ceux qui l’avaient faite pouvaient, à tout moment, la défaire. Il avait en effet été prévu, dans la loi elle-même, que seuls les corps législatifs de l’Empire pourraient la modifier. En supposant même que les deux Chambres alsaciennes-lorraines et l’Empereur fussent d’accord pour y apporter le changement le plus insignifiant, il fallait, pour y procéder, recourir au Bundesrath et au Reichstag. Bien mieux, pour marquer qu’ils ne renonçaient nullement à revenir, le cas échéant, sur les concessions consenties, le Conseil fédéral et le Parlement d’empire avaient, dans la loi constitutionnelle, réglé limitativement l’usage de la langue française dans les provinces annexées, une question qui, de toute évidence, eût dû être réservée à la compétence des Chambres locales.

Étant donnée sa composition, une opposition de la Chambre haute n’était pas à prévoir. L’élection de la moitié de ses membres par des corporations complètement à la dévotion du gouvernement ne pouvait donner que des résultats entièrement négatifs. La désignation des représentans des quatre grandes villes échappait seule aux pouvoirs publics. Quant au reste, en plus des membres de droit (évêques, présidens des consistoires protestans et président de la Cour d’appel), les vingt-trois autres « sénateurs » étaient, comme je l’ai dit plus haut, nommés directement par l’empereur, avec cette circonstance aggravante qu’ils ne l’étaient que pour la durée d’une session. Dans tous les États allemands, le souverain désigne ainsi une partie des membres de la Chambre haute, mais « à vie. » Les nominations étant irrévocables, les bénéficiaires peuvent s’affranchir de la tutelle du gouvernement, puisque, quoi qu’il arrive, la possession de leur mandat leur est assurée. En Alsace-Lorraine, pour prévenir toute surprise, le souverain se réservait le droit de ne plus renouveler le leur à ceux qui, pendant la session précédente, ne lui auraient pas donné pleine et entière satisfaction.

Ce n’est pas tout. Comme le gouvernement avait quelque raison de se méfier d’une Chambre basse, élue au suffrage universel, on avait prévu le cas d’un conflit prolongé avec cette assemblée. La dissolution pouvait n’être qu’un expédient momentané. Il fallait trouver mieux. Lorsque la loi constitu-