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auxquels on pourrait demander le succès dans une deuxième tentative si, justement, on n’avait pas pris la résolution d’en rester là.

Quoi qu’il en soit, on décide que les argumens en faveur de l’abstention des navires de ligne tirés de leur impuissance contre les ouvrages du détroit ottoman vaudront contre ceux qui réclament l’attaque d’une côte absolument différente par ses caractères géographiques et hydrographiques, une côte où les batteries sont privées de l’essentiel avantage du commandement et où les mouvemens de la marée ne permettraient guère l’emploi des mines dérivantes. Cette côte, il est vrai, passe pour très difficile, inaccessible, même, et nos avisés ennemis n’ont rien négligé, — allant jusqu’à la falsification de leurs cartes officielles, — pour bien établir cette opinion. J’ai déjà eu l’occasion de dire ce qu’il en était exactement d’une prétention trop facilement acceptée. Je n’y reviendrai pas et, au demeurant, nous verrons tout à l’heure qu’il n’est point nécessaire de compromettre les plus récentes unités de combat dans le détail des opérations sur les côtes.

C’est là, en effet, le point essentiel de toute discussion sur le sujet qui nous occupe : ne pas compromettre les précieux dreadnoughts !

Et si, pour justifier cette obsédante préoccupation, l’on invoque ouvertement la haute valeur militaire qu’ont ces magnifiques engins en même temps que l’énormité de leur prix de revient comparé à la faiblesse de celui d’une batterie de côte. d’une torpille, d’une mine surtout, il est clair que l’on veut avant tout se ménager pour l’après-guerre, ou seulement pour l’époque des négociations décisives, le bénéfice de l’effet moral qui s’attache à la possession d’une flotte puissante, parfaitement intacte.

A la vérité, il y a là une sorte de pétition de principe, car enfin ce n’est pas pour rehausser le prestige des grandes unités de combat, ce prestige sur lequel on fait tant de fonds, que de les montrer si soucieuses de leur conservation et si peu assurées de se conserver, en effet, en présence des armes de la guerre navale moderne. Et l’on ne voit pas bien ce que l’on répondrait au négociateur sceptique qui, menacé de l’intervention d’une quarantaine de dreadnoughls, observerait paisiblement que, demain comme aujourd’hui, ces bâtimens se montreraient fort circonspects devant les engins sous-marins.