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parfaitement différentes ? Mais je vais plus loin, et je dis qu’il n’est pas beaucoup plus sage d’en faire entre les circonstances locales des divers points défendus du littoral allemand. Laissant même de côté le bassin de la Baltique, dont les caractères n’ont aucun trait commun avec ceux du bassin de la mer du Nord, je puis affirmer que la manière dont il conviendrait d’attaquer Borkum, par exemple, ressemble peu à celle dont il faudrait user pour réduire Sylt, ou Wangeroog, ou Helgoland. Rien de pis, et de plus opposé à l’intérêt militaire le plus essentiel que les généralisations hâtives dont on se contente dans cette matière, parce qu’au fond on a pris parti d’avance contre toute opération côtière.

J’ai ajouté tout à l’heure que l’état d’esprit systématiquement hostile à ces opérations empêche de voir quels bénéfices on peut tirer des armes modernes dans l’attaque méthodique d’un littoral ou dans un siège maritime et, à plus forte raison, den chercher, d’en imaginer de nouvelles.

En vue d’établir ceci, rappelons d’abord que, pour obtenir la destruction ou seulement la « réduction » d’un ouvrage de rôle bien construit et approprié à son rôle, il faut disposer de deux sortes de feux, les feux directs ou de plein fouet, fournis par les pièces longues, à grande vitesse initiale et à trajectoire tendue[1], et les feux courbes ou plongeans que l’on doit demander à des pièces courtes, obusiers ou mortiers, tirant sous de grands angles, et avec une faible vitesse initiale, des projectiles ayant, en général, une charge intérieure plus forte que celle des obus lancés par les canons longs. Malheureusement, alors qu’autrefois il existait à bord des bâtimens de combat des obusiers destinés justement au tir sur les batteries de côte ; alors qu’il y avait même dans toutes les marines des bâtimens, — « bombardes, » galiotes, batteries flottantes, — étroitement spécialisés pour les bombardemens, on ne trouve plus rien de tel, ni dans la composition des flottes modernes, ni dans l’armement des unités, grandes ou moyennes, encore moins dans celui des petites unités, dont la stabilité de plate-forme laisserait trop à désirer. Tout a été sacrifié aux feux directs, ou, pour

  1. Dénomination d’une signification générale. Il est clair que la trajectoire cesse d’être vraiment tendue et que sa flèche ou ordonnée maxima devient très haute lorsque le canon tire avec le plus grand angle de projection, — de 20 à 25°, — que lui permettent son affût et l’ouverture du sabord de sa tourelle.