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Ce sont des espèces de limaces, de 20 à 40 pieds de long, plates sur les côtés, de vaillantes limaces qui lèvent un museau enquêteur pour flairer dans l’air, comme le chien de mer. Elles rampent sur leur ventre par un procédé dont la description serait fastidieuse pour les lecteurs ordinaires et inutile pour la curiosité du spécialiste. Elles avancent en se glissant, comme d’actifs colimaçons qui se hâtent. Derrière elles traînent deux roues, supportant une queue molle, deux roues qui vous frappent par leur incongruité, comme si un monstre commençait en kanguroo et finissait en voiture de poupée. (Ces roues me gênent.) Ce ne sont pas des monstres d’acier ; ils sont revêtus de la teinte brune et des couleurs discrètes qui sont celles de la guerre moderne, de telle sorte que la cuirasse ressemble assez au tégument d’un rhinocéros. Des deux côtés de la tête, des joues cuirassées font saillie, au-dessus desquelles sortent des canons qui ont l’air d’yeux pédoncules. Tel est l’aspect général du tank contemporain.

Il glisse sur le sol ; les sottes petites roues, qui jurent si fortement avec son aspect de bête puissante, sautent et cognent derrière lui. Il se balance autour de son axe. Il arrive devant un obstacle, un mur bas, par exemple, ou un tas de briques, et se met à grimper avec son museau. Il se cabre devant l’obstacle, il soulève son ventre dans un effort, reste ainsi dressé, puis s’abat sur la masse, s’y balance et plonge de l’autre côté, faisant dépasser comme un faible contrepoids les roues de sa queue. S’il trouve sur son chemin une maison, ou un arbre, ou un mur, ou quelque obstacle de ce genre, il fonce contre lui de manière à y faire porter tout son poids, — il pèse plusieurs tonnes, — et ensuite il escalade les débris…


M. Wells, qui publiait en 1908 La Guerre dans les Airs, était préparé à voir dans l’aéroplane l’instrument décisif, et il explique par des remarques d’une psychologie pénétrante notre supériorité. Elle se ramène, suivant lui, à une différence essentielle entre la qualité de l’aviateur allemand et celle de son rival français ou anglais. Différence physique, d’abord et qui saute aux yeux pour peu que l’on considère la démarche des Allemands et leur allure, ou que l’on compare les cyclistes dans les villes allemandes et les villes françaises. Différence morale ensuite, où M. Wells retrouve le trait caractéristique de la race.


Il se peut que, par une exigence de sa constitution même, l’Allemand ait besoin de s’associer, d’être soutenu par l’orgueil et entraîné pour être capable d’affronter le danger. Il est fait pour