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C’est en ces heures d’émotion que furent rédigées, avec un calme et une précision incomparables, les deux instructions qui eurent pour effet d’arracher l’initiative à l’ennemi et qui changèrent ainsi la face de la guerre.

Par les faits eux-mêmes, l’attention du général Joffre est attirée sur les deux ordres d’idées qui sont les deux faces de l’art militaire : la tactique et la stratégie. Certainement les défaillances tactiques ont contribué à la perte des premières batailles. C’est donc là qu’il faut, d’abord, dans la mesure du possible, guérir le mal et prescrire le remède.

Dès le 24, la leçon, l’enseignement de cette nouvelle guerre est dégagé par le chef pour tout le monde, généraux et soldats. Le doigt est mis sur la plaie : infanterie, artillerie, cavalerie reçoivent, en quelques lignes, les directives nouvelles qui doivent désormais régler leur action commune :


NOTE POUR TOUTES LES ARMÉES

Au Grand Quartier Général, le 24 août 1914.

Il résulte des renseignemens recueillis par les combats livrés jusqu’à ce jour que les attaques ne sont pas exécutées par une combinaison intime de l’infanterie et de l’artillerie : toute opération d’ensemble comporte une série d’actions de détail visant à la conquête des points d’appui. (N’est-ce pas toute une philosophie tactique ? )

Chaque fois que l’on veut conquérir un point d’appui, il faut préparer l’attaque avec l’artillerie, retenir l’infanterie et ne la lancer à l’assaut qu’à une distance où on est certain de pouvoir atteindre l’objectif. (Il ne se fera plus désormais d’attaque sans préparation d’artillerie.)

Toutes les fois que l’on a voulu lancer l’infanterie à l’attaque de trop loin, avant que l’artillerie ait fait sentir son action, l’infanterie est tombée sous le feu des mitrailleuses et a subi des pertes qu’on aurait pu éviter. (Critique mesurée de la plus grave des erreurs qui ont amené les premiers échecs. C’est la « liaison des armes » et leur subordination au but qu’on se propose, non à des théories plus ou moins systématiques.)

Quand un point d’appui est conquis, il faut l’organiser immédiatement, se retrancher, y amener de l’artillerie pour empêcher