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l’incorporation a la France. Quand le traité de Campo-Formio eut été signé, les pétitions recommencèrent, ardentes et enthousiastes. La Convention, par le décret d’octobre 1795, avait déjà indiqué de quelle manière elle entendait régler le sort de ses conquêtes., La rive gauche du Rhin devint française.

Les traités de 1815, auxquels on avait dû se plier sous la contrainte de la force, n’apparaissaient pas comme définitifs, et l’on était convaincu que la force saurait bien les détruire. En Hesse, en Birkenfeld (Oldenbourg), dans le Palatinat, il semblait que les gouvernemens considéraient leurs conquêtes comme très précaires, car ils n’intervenaient qu’assez mollement dans les affaires des pays annexés. Ce n’est pas que l’opinion publique se résignât de bon cœur au nouvel état de choses. La douceur relative du régime ne modifiait pas les sentimens. On sait que Quinet prit pour femme Minna More, originaire de Grunstadt, dans le Palatinat. Or, son beau-père était un homme de 1792, un citoyen du département du Mont-Tonnerre, l’ami et l’hôte de Desaix, devenu notaire de village après avoir été ministre protestant dans sa jeunesse. Ses convictions françaises étaient restées intactes. « Le père de Minna, écrit Quinet le 8 avril 1830, est bien un peu triste que la Bavière du Rhin tarde à se réunir à la France. »

Ce qui n’était que de l’impatience chez les habitans du Palatinat se tournait en véritable fureur dans les régions occupées par la Prusse. Les sujets de Frédéric-Guillaume III s’installaient dans le pays comme s’ils avaient voulu s’y fixer pour toujours, et de hauts fonctionnaires laissaient bien entendre que l’occupation n’avait rien de provisoire. De là une tension latente qui se trahissait quelquefois par de brusques éclats, et que nourrissait d’ailleurs la volonté souvent exprimée par les Français de reprendre le bien perdu.

Chez nous, en effet, personne n’avait oublié. Les manifestations se succédaient. Anéantir les traités de 1815 était l’objectif non seulement des bonapartistes, mais aussi des républicains et des libéraux. Il suffit de lire les articles d’Armand Carrel ou les discours de Mauguin pour s’en persuader. Les militaires, eux non plus, n’abdiquaient pas. « Le Rhin, écrivait le maréchal Gouvion-Saint-Cyr dans ses Mémoires, est le vrai champ de bataille des Français pour défendre leurs frontières du Nord et de l’Est, comme les Alpes et les Pyrénées pour