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Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/526

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rebelles, elle s’ingéniait, par une étrange erreur, à les défier et à les provoquer. Elle les blessa en publiant, le 3 novembre 1817, l’ordonnance sur la conduite administrative des affaires, où l’opinion publique aperçut aussitôt une preuve de la mauvaise volonté prussienne. Les années qui suivirent ne manifestèrent aucune détente. La noblesse rhénane, systématiquement, fut mise à l’écart, comme aussi la haute et la moyenne bourgeoisie. Les annexés étaient faits pour servir, mais en aucun cas ne devaient commander. Se comparant à des esclaves, ils se voyaient exclus de toutes les places, évincés de tous les postes, soit qu’on leur en défendit brutalement l’accès, ou qu’ils prissent eux-mêmes le parti d’y renoncer, à cause des obligations qu’on leur imposait hypocritement. Goerres, en 1822, reprochait à la monarchie prussienne de ne pas gouverner avec les Rhénans, mais contre eux. Dans toute la période qui nous occupe, aucun Rhénan ne fut admis dans la maison du roi ni dans les charges de la cour. Ils ne furent pas appelés aux grands emplois administratifs. On n’en vit pas dans les ministères, ni comme chefs de division, ni comme chefs de section. Ils ne devinrent ni conseillers d’État, ni présidents de province, de régence, ou même de district. Les exceptions du moins sont très rares.

Dans les fonctions subalternes, le même ostracisme frappait les Rhénans. Quelques-uns parvenaient bien à entrer dans l’administration et la magistrature, mais on avait grand soin de leur refuser les postes importans ; l’on veillait à ce qu’ils fussent toujours en très grande minorité et privés de toute influence. Quant aux petits emplois, l’accès en était permis aux anciens sous-officiers qui avaient accompli douze années de service dont trois comme soldats, et neuf comme gradés. Mais les Rhénans avaient une telle aversion pour l’armée prussienne, avec les servitudes qu’elle leur imposait, que tous quittaient le régiment avant de remplir les conditions requises : en conséquence, les places étaient attribuées aux immigrés. Enfin la monarchie des Hohenzollern avait pris le parti, dans un État où les cinq douzièmes des troupes étaient catholiques, de ne donner des grades qu’aux protestans, ou peut s’en faut, ce qui éliminait d’avance les Polonais, les Silésiens et les Rhénans. A une époque où les fonctionnaires d’un rang élevé étaient généralement choisis parmi les officiers, il n’était guère possible aux annexés de forcer les portes défendues : aucun